Depuis sa participation à la Star Academy en 2003, Sofia Essaïdi n’a cessé d’être sur le devant de la scène. Une belle réussite pour cette casablancaise de 34 ans qui réalise chaque jour un peu plus son rêve de petite fille. Rencontre avec une femme qui mène définitivement la danse.
À la fois chanteuse, danseuse et comédienne, Sofia est une artiste accomplie. C’est une émission, la Star Academy, qui lui permet de quitter sa vie d’étudiante à Paris Dauphine pour embrasser une carrière artistique, celle dont elle a toujours rêvée, depuis son plus jeune âge. Pour cela, Sofia ne cesse de travailler afin d’améliorer encore et encore sa voix, sa danse et son jeu de comédienne. Une persévérance qui a porté ses fruits puisque la jeune femme participe à de nombreuses émissions télé dont notamment Danse avec les stars, sort un premier album, enchaîne les tournages de séries et fait le show sur la scène de différentes comédies musicales. Elle est d’ailleurs aujourd’hui à l’affiche d’un des plus grands spectacles de Broadway, adapté pour la première fois en France, Chicago. Un mythe dans le milieu des comédies musicales, sans cesse mis en scène depuis 1975, aujourd’hui en représentation au théâtre Mogador de Paris depuis septembre 2018. Sofia Essaïdi y campe Velma Kelly, l’un des rôles principaux, et interprète de la fameuse chanson d’ouverture « All that jazz ». Sofia nous embarque pour une plongée au cœur des années 20, à Chicago. Entrez dans la danse !
Comment tout a commencé ? Avez-vous toujours rêvé de faire ce métier ?
J’ai toujours rêvé de faire ça oui, d’aussi longtemps que je m’en souvienne. Depuis toute petite, la danse, le chant et la comédie ont toujours eu une place importante dans ma vie. Tout d’abord, c’était la danse mon plus grand amour. J’ai commencé à prendre des cours très jeune. Le chant est arrivé plus tard, vers 15-16 ans. La comédie a elle aussi toujours été très présente, même si je n’avais jamais pris de cours de théâtre ou d’acting au Maroc. Mais j’ai une famille de cinéphiles, on a toujours regardé beaucoup de films à la maison, donc ça vient de là. Très vite, je découvre que l’on peut faire les trois en même temps grâce aux comédies musicales et je trouve ça génial ! Après l’obtention de mon Bac, je m’envole alors pour Paris afin de continuer mes études à Dauphine, mais aussi parce que je savais que c’était là qu’il fallait aller pour passer des castings. En parallèle de mes cours, j’ai passé 3-4 castings dont un qui a changé ma vie, la Star Academy. J’ai toujours eu envie de faire cette émission, je la regardais à la télé et je me disais « c’est génial, on donne une chance à des jeunes en leur apprenant le métier ». Au départ, je n’osais pas m’inscrire au casting, mais au final, ça a fonctionné tout de suite. À partir de là, ça ne s’est plus jamais arrêté, j’ai enchaîné de très gros projets comme Danse avec les Stars, Cléopâtre, des tournages, toute la série de films Aïcha, j’ai tourné aussi beaucoup pour France Télévisions, pour arriver aujourd’hui à Chicago. À un moment donné, j’ai décidé de faire un petit peu le point sur ma vie, sur ma carrière. J’ai eu envie d’autres choses, d’aller plus loin, de travailler plus profondément. J’ai alors pris beaucoup de cours particuliers en comédie pendant plusieurs années afin de rattraper mon retard étant donné que je n’avais jamais pris de cours auparavant. J’avais envie d’être plus à ma place dans des projets et il se trouve que justement Chicago fait partie de ces projets-là qui me vont complètement du début jusqu’à la fin, qui me collent à la peau.
Justement, que représente ce show pour vous ?
C’est vraiment un rêve de jeune fille. Quand je découvre Chicago il y a quelques années de cela, je me prends une énorme claque artistique en me disant que c’est exactement ce que j’aime, exactement ce que je veux, ce genre de mise en scène, ce genre d’intelligence scénique… Il a fallu attendre des années pour que des personnes le montent en France et qu’on puisse le faire ensemble.
Vous y incarnez le personnage de Velma Kelly, pouvez-vous la présenter ? Avez-vous des points communs avec ce personnage ?
Velma Kelly c’est une star de cabaret de jazz qui tue son mari et sa sœur après les avoir découverts en flagrant délit d’adultère et qui se retrouve en prison. Elle va y faire la connaissance de Roxie Hart, une autre détenue qui a, elle aussi, tué son amant. Toutes les deux vont alors se disputer les faveurs de Billy Flynn, le meilleur avocat de la ville. Velma est une femme forte, qui veut être libre dans une époque où les femmes ne le sont pas et qui va se battre pour s’en sortir. C’est ce personnage particulièrement qui est très intéressant parce qu’il a un vrai arc d’évolution et parce que c’est celui qui a la chance de chanter et de faire certains des numéros les plus mythiques de Chicago dont la première chanson All that Jazz. C’est vrai qu’on a l’habitude de voir ce personnage très dur, mais j’ai essayé de lui apporter un petit brin de folie. Ce qui nous rassemble toutes les deux, c’est ce besoin impératif de liberté. J’ai besoin d’être libre dans ce que je fais, dans ma vie, dans ce que j’entreprends, tout le temps, d’être maîtresse et seule décisionnaire de mes actes…et elle aussi, et ça, c’est quelque chose qui m’a touchée dans ce rôle-là.
Chicago est un show emblématique de Broadway, est-ce que cela vous met une certaine pression ?
Évidemment, ça met une très grosse pression de jouer ce show parce qu’on s’attaque à un mythe donc on a une certaine qualité à respecter. Mais aussi parce que tous ceux qui sont sur scène adorent ce show, du coup on se met une pression supplémentaire en se disant qu’il faut qu’on soit au niveau de ce spectacle-là parce que c’est nous qui le représentons en France. C’est vraiment une histoire à part entière ce spectacle. Il y a une communauté Chicago, une histoire Chicago, un monde Chicago et quand on vous accueille dans cet univers, on a une sorte de responsabilité.
Comment s’est passé le casting ? Aviez-vous une certaine appréhension quant à auditionner devant l’équipe américaine qui supervise le spectacle ?
En fait c’est une histoire qui dure depuis longtemps parce qu’il y a 3-4 ans, il était déjà question de monter ce spectacle. J’avais donc passé le casting, j’avais été prise, et finalement ça a été annulé à la dernière minute. Finalement, ils me rappellent en me disant « on relance le projet mais il faut refaire tous les castings parce que les équipes ne sont pas les mêmes ». Je suis alors repartie sur une série de castings qui était très stressante parce que je n’étais pas du tout en forme, j’étais en train de terminer le tournage d’un film donc j’étais vraiment très fatiguée et ça faisait des années que je n’avais pas chanté et dansé. J’étais dans une énergie très différente et là d’un coup il a fallu aller danser, chanter, j’étais un peu paumée. Mais ce rôle était pour moi, il fallait absolument que je l’ai donc j’ai dû me dépasser pendant le casting pour avoir ce rôle. Les auditions se passaient aussi devant les Américains et c’est vraiment comme dans les films, ils étaient tous assis côte à côte ce qui est super stressant mais en même temps, je n’ai jamais passé un casting aussi enrichissant de ma vie. On a l’impression d’être en session de travail, d’être en répétition, ça c’est vraiment très bien passé.
Sur scène, vous chantez, dansez et jouez la comédie, comment avez-vous préparé ce rôle, autant physiquement que mentalement ?
C’est beaucoup de travail mais c’est assez simple, ce sont des cours de chant, des cours de danse, des sessions de travail de comédie… On fait aussi beaucoup de sport, de la danse classique surtout car c’est elle qui nous aide le plus à travailler la danse que l’on effectue sur scène qui est celle de Bob Fosse et on veille à avoir une hygiène alimentaire irréprochable pour pouvoir tenir le coup pendant les répétitions. On a eu très peu de répétitions, seulement un mois et une semaine ce qui n’est rien du tout pour un spectacle aussi difficile, du coup on a continué à répéter pendant le premier mois de représentations. Maintenant, les répétitions sont au coup par coup. Soit on répète un numéro qu’on perd un petit peu, soit on revoit quelque chose qu’il faut retravailler et améliorer, ça dépend, on voit au jour le jour.
Comment expliquez-vous le succès de cette comédie musicale depuis 1975 ?
C’est un chef-d’œuvre de mise en scène. Moi je n’avais jamais vu ça auparavant, je n’avais jamais vu un spectacle aussi bien fait, aussi bien monté, aussi bien mis en scène avec des chansons aussi belles, aussi merveilleuses… et je pèse mes mots ! Mais aussi parce que ça traite de sujets qui malheureusement sont toujours d’actualité et qui traversent des générations.
Vous êtes une artiste accomplie puisqu’en plus d’être chanteuse et danseuse, vous évoluez en tant qu’actrice. Est-ce que le métier de comédienne vous plaît autant que celui de chanteuse ?
Je ne peux pas dire que j’ai une préférence mais il se trouve que ces dernières années, je m’épanouis plus en tant que comédienne, je me fais plus entendre et comprendre mais j’aime la musique tout autant. Si je fais un album et que tout se passe bien, qu’on m’écoute comme j’ai envie qu’on m’écoute, je dirais pareil sur la musique. Ce sont des périodes. Après ce que j’aime c’est faire les trois, être sur scène, faire des films et des albums. Si je pouvais faire ça jusqu’à la fin de ma carrière ce serait super.
Quelle est selon vous la définition de la passion ? Considérez-vous votre métier comme votre passion ?
C’est très difficile de définir la passion mais bien sûr, je vis complètement de ma passion. Pour moi, ma passion, c’est un art que je dois vivre sinon je ne suis pas heureuse. J’adore ce que je fais, on n’est pas beaucoup dans le monde à vivre de sa passion et je mesure la chance que j’ai de faire ce qui me rend heureuse, c’est quand même extraordinaire. C’est un métier très difficile mais tout ce qui est difficile est plus facile à vivre lorsque c’est notre passion, on est prêt à accepter beaucoup plus de choses, à faire des compromis… C’est une chance de se réveiller tous les matins en se disant qu’on va faire exactement ce qu’on aime le plus au monde.
Quel est selon vous le statut d’artiste au Maroc ?
Ce qui me fait de la peine c’est de me dire que mon disque n’aura pas d’effet au Maroc. J’espère que ça a changé ces dernières années mais quand j’y étais, le marché du disque n’existait pas. Et je trouve ça dommage de me dire que l’album que je sortirai, il fera sa vie ici, mais au Maroc, je ne sais pas comment il évoluera. Je sais que le royaume fait énormément pour la culture, je vois des festivals naître de partout dans le pays et ça me fait très plaisir de voir ça. Je trouve que c’est une très bonne chose pour le Maroc culturellement. On pousse les gens à s’intéresser à la culture de plus en plus et je trouve ça super mais le marché du disque est un marché très particulier… Il se meurt d’ailleurs de partout, même en Europe, mais c’est vrai que ça m’a toujours fait un peu de peine de me dire que les albums qui sont sortis ici en France ne sont pas sortis au Maroc et n’ont pas été achetés par les Marocains. Mais heureusement qu’il y a Internet qui permet de dépasser les frontières.
L’intégralité de cette interview est à découvrir dans le nouveau N° Plurielle du mois de février.
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