Préserver la terre, valoriser des produits agricoles en voie d’extinction, promouvoir le développement des activités génératrices de revenus pour les agriculteurs de la région du Pré-Rif sont quelques-uns des combats menés par Souhad Azennoud, membre fondatrice de la coopérative Ariaf kissane. Rencontre.
Rencontre avec Souhad Azennoud, fondatrice de la coopérative « Ariaf kissane »
Préserver la terre, valoriser des produits agricoles en voie d’extinction, promouvoir le développement des activités génératrices de revenus pour les agriculteurs de la région du Pré-Rif sont quelques-uns des combats menés par Souhad Azennoud, membre fondatrice de la coopérative Ariaf kissane. Rencontre.
Originaire de la commune montagneuse de Kissane, dans la province de Taounate du Pré-Rif, Souhad Azennoud a depuis toujours été sensibilisée au respect de l’environnement. C’est donc tout naturellement que cette fille de la montagne s’est orientée vers des études scientifiques avant de se spécialiser dans l’alimentaire puis, plus précisément dans la laiterie. En hommage à son grand-père et à son père, Souhad avait en effet dans l’idée de monter plus tard un projet de fromages dans la ferme familiale de Kissane. Ses études terminées, elle intègre durant deux ans les fromageries Bel puis le groupe Nestlé pendant 10 ans. Entre temps, Souhad se marie et donne naissance à ses enfants.
Son projet à la montagne s’éloigne alors de plus en plus, mais reste toujours dans soin de sa tête. Après son expérience chez Nestlé, Souhad décide finalement de se lancer mais abandonne son projet de fromagerie, le respect de la chaîne de froid et la commercialisation étant difficilement réalisables en région montagneuse. Elle s’intéresse alors à des produits non périssables tels que le miel et l’huile d’olive, produit phare de la région. Petit à petit, Souhad étend son activité en prenant part à plusieurs projets de différentes coopératives et travaille notamment à la valorisation et la commercialisation des produits agricoles locaux en voie de disparition, dont le petit épeautre. Un travail acharné qui lui a valu de nombreuses récompenses.
Comment vous est venu l’amour de la terre? Avez-vous toujours souhaité travailler dans ce domaine?
Quand on était petits, on passait toutes nos vacances scolaires à la montagne, dans la ferme familiale, située dans la commune rurale Kissane, province de Taounate, dans le Pré-Rif. C’est donc mon grand-père qui nous a transmis cet amour de la nature. On ne restait jamais à rien faire, on était toujours en train de l’aider pour quelque chose, irriguer son jardin, faire la sélection des semences… Donc depuis toujours, on a été habitués à ce mode de vie et au respect de l’environnement.
Comment définiriez-vous l’agriculture durable?
La première des choses que requiert l’agriculture durable c’est de ne pas utiliser de produits chimiques. On ne peut pas faire ce que certains appellent de l’agriculture raisonné, soi-disant plus écologique, mais qui utilise tout de même quelques produits chimiques. C’est du pipeau. Il ne faut pas du tout en utiliser car deux-ci désaltèrent la terre et tuent tout ce qui est micro-organisme. L’agriculture durable, c’est donc faire attention au côté environnemental mais aussi au côté social. On ne peut pas faire de l’agriculture durable sans main d’oeuvre. Mais pour cela, il faut réussir à sédentariser les personnes de la région en intéressant les jeunes et en instaurant la légitimité du paysan et de l’agriculture. En effet, quand on parle de paysan, on imagine souvent un pauvre homme du bled alors que c’est quelqu’un de très important pour notre système. D’autant plus que ces locaux ont déjà une certaine connaissance de la terre et de la façon dont il faut la travailler. Mais ils sont en train de perdre ce savoir-faire générationnel avec toute cette utilisation de produits chimiques. Il faut alors absolument revenir à tout ce qui est techniques agricoles anciennes, améliorées avec des techniques d’agro-écologie notamment.
Vous travaillez dans la ferme familiale et êtes membre fondatrice de la coopérative agricole Ariaf Kissane. Pourvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
Dans la ferme familiale, nous sommes depuis le début sur une agriculture saine. J’ai instauré les techniques agro-écologiques et tout un système de recyclage pour qu’elle soit en autosuffisance. On a voulu que cette ferme soit une vitrine pour les autres agriculteurs afin qu’ils voient la réussite et qu’ils aient envie de faire la même chose. On essaye aussi d’expérimenter de nouvelles choses en sauvegardant des semences qui sont en voie de disparition, dont le petit épeautre. La dernière espèce à laquelle nous nous sommes intéressés est l’origanum compactum, une sorte d’origan qui a pratiquement disparu de toutes les autres régions du Maroc mais qui est resté un petit peu dans le Pré-Rif. C’est une espèce qui est vraiment très intéressant car étant sauvage, elle pousse spontanément. On essaye alors d’inciter la population à revenir à ces semences anciennes qui s’adaptent beaucoup mieux aux variations de climat. La coopérative Ariaf Kissane, dont je suis la présidente, s’intéresse quant à elle essentiellement à l’huile d’olive extra-vierge. Elle est certifiée bio depuis 2013.
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