Oui, le Ramadan, dans la théorie spirituelle, dans la théosophie de l’islam, est ce temps autre où le croyant renouvelle une tradition primordiale – celle du jeûne – pratiquée par tant d’autres avant lui, prophètes et saints.
Ce temps, donc, où le croyant a rendez-vous avec la purification. Mais ce temps de la purification ne saurait être ce qu’il est, sans que la liberté n’y soit manifeste. Mais de quelle liberté parlons-nous? Celle qui veut que l’âme retrouve son droit le plus essentiel: celui de ne plus se trouver sous l’emprise du corps. Qu’elle ne soit plus sous le joug, la dictée frénétique des passions de toutes sortes!
Voici donc la vérité philosophique, spirituelle, l’essence même du jeûne: ce temps de l’ascèse est, au fond, le temps de la liberté… D’une liberté qui engage un dialogue – et pourquoi pas un conflit – réel, tenace, ininterrompu avec la purification, qui, en somme, passerait nécessairement par elle.
Purification entendue ici à la fois comme exercice, et comme idéal à atteindre. Accomplissement. Purification qu’il faut entendre, aussi, comme l’ensemble des moyens devant être mis à la disposition de la liberté, qu’il faut entendre, elle aussi, comme idéal à atteindre.
Deux idéaux en dialogue, donc. Deux idéaux travaillant l’un pour l’autre, œuvrant dans le même sens… Purification et liberté, liberté et purification: chacune servant la cause de l’autre pour n’en donner qu’une seule, pour atteindre l’idéal du vrai nom de Ramadan: le Printemps de la Foi.
Ainsi doit-on comprendre ce qui est au cœur du mois sacré. Il porte le nom d’une saison: celle qui succède à l’hiver, celle où tout peut enfin repousser, où la terre se fait de nouveau fertile, s’apprête pour les moissons qui viendront. Un printemps de la Foi, donc. Une saison du renouvellement, des germinations spirituelles.
Un Printemps de la Foi qui est, de fait, un Printemps de l’âme… D’une âme enfin purifiée et enfin libre. Mais voilà, ce privilège, cet idéal, s’il a le goût de la légèreté et du miel pur, il suppose l’effort et la patience.
Car au fond, rien de libre et de pur ne saurait l’être sans que le croyant ne prenne, en son for intérieur, la décision de rendre pur et libre ce qui doit l’être: l’accomplissement du jeûne. Sans qu’il ne relève de la simple privation. Car le Ramadan n’est pas ce qui manque, mais ce qui naît. Du libre choix, de la décision intérieure.
Ainsi le Ramadan est-il le temps du don. Offrir ce que l’on a de plus beau, à savoir les comportements les plus nobles, et ceux-ci regroupent toutes les manières d’être – dans la piété, pour ce qu’elle exige de respect des lois du visible et de l’invisible – le geste, la parole, et d’abord… L’intention.
Ainsi doit-on comprendre la parole divine qui dit que « tout ce que fait le fils d’Adam est pour lui-même sauf le jeûne, il est pour Moi et c’est Moi qui en donne la récompense. »
Le Ramadan est ce temps de la liberté et de la purification dialoguant pour que l’âme devienne, en sa réalité principielle, une saison nouvelle. Ainsi le Ramadan, pour que la transfiguration de l’âme opère, ne saurait être celui de l’âme animale, primitive, celle qui donne le primat aux instincts les plus primaires, à l’injure matinale, aux excès, aux agglutinations d’amertume qui contredisent l’essence d’un effort qui suppose la joie.
Le Printemps de la Foi, le grand nom du Ramadan, ne souffre pas la privation, qui n’est jamais ni libre, ni pure… Lorsque la saison qui s’annonce est celle de la grâce, de l’ennoblissement de l’âme. Par le don. En ce que celui-ci exige de rigueur, de noblesse et d’amour.