L’humiliation sur une télévision privée en Algérie de Rachid Boudjedra, figure de la littérature algérienne piégé par une caméra cachée, a créé un tollé dans son pays, où des intellectuels demandent plus de rigueur envers les chaînes privées nées il y a 5 ans.
Comme chaque année durant le mois sacré de Ramadan, plusieurs chaînes privées algériennes diffusent de multiples séquences filmées en caméras cachées, piégeant anonymes et ou personnes publiques, à coups de brutalités, menaces et humiliations.
On a pu voir une femme devoir prouver son innocence à de faux policiers l’accusant d’avoir kidnappé un enfant, un ex-ministre prétendûment arrêté pour « intelligence avec l’étranger » ou un acteur, Redouane Djaouani, menacé d’être exécuté par de prétendus trafiquants en plein désert.
Des séquences qui avaient déjà suscité des protestations – sans suite – sur les réseaux sociaux.
Mais le 31 mai, en s’en prenant dans sa séquence quotidienne « Rana Hkemnak » (On t’a piègé), à Rachid Boudjedra, ancien combattant de la guerre d’indépendance et grand nom de la littérature et de la poésie algériennes, la chaîne privée Ennahar a suscité l’indignation.
Invité à une prétendue nouvelle émission littéraire, l’écrivain de 74 ans, scénariste notamment du film algérien « Chroniques des années de braise », Palme d’or du festival de Cannes en 1975, y est humilié et brutalisé.
De faux policiers font notamment irruption et intiment à M. Boudjedra – athée revendiqué de répéter « Allahu Akbar » et de réciter la « chahada ».
https://youtu.be/QVHqi13UzAc
Bien qu’il ait refusé que ce canular douteux soit diffusé et ait menacé la chaîne de poursuites, Ennahar a passé outre.
« J’ai contacté à plusieurs reprises le directeur de la chaîne et tout ce à quoi j’ai eu droit ce sont de simples excuses du rédacteur en chef », a expliqué à l’AFP M.Boudjedra, affirmant qu’il allait traduire la chaîne en justice.
Réactions indignées
Le poète Achour Fenni a appelé sur Facebook au « boycott des chaînes de télévision » tandis que l’écrivain et éditeur Lazhari Labter a dénoncé les « violence contre les femmes, bagarres, humiliation » de « ces caméras cachées scandaleuses ».
Samedi dernier, une centaine de journalistes, intellectuels et universitaires se sont rassemblés devant le siège de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (Arav) à Alger.
Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président algérien, a fait une brève apparition et parlé d’une « ignominie » contre M. Boudjedra.