Tarek a été expulsé du territoire français vers le Maroc, un pays qu’il n’a plus revu depuis 30 ans et où il a subi les pires traitements… à cause de son intersexuation.
Né hermaphrodite (avec des attributs génitaux masculins et féminins) il y a 40 ans à Casablanca, la vie s’annonçait déjà compliquée pour Tarek. Déclaré comme une fille à l’état civil, il est recueilli dès ses premières années par sa grand-mère, après avoir été abandonné par sa mère. Avec le reste de sa famille, c’est l’enfer: tout le monde le traite comme un « monstre ». Pire, son oncle le viole dès l’âge de 3 ans. A 9 ans, Tarek est placé en service psychiatrique après avoir tenté de se suicider. Un an plus tard, il rejoint sa mère en France, qui le scolarise.
Tout se passe «bien» jusqu’à 2005, lorsque Tarek est condamné à la prison pour viol aggravé sur mineure. Les surveillants pénitentiaires lui font vivre un calvaire dont nous vous épargnerons les détails. Entretemps, il commence à prendre des hormones pour se masculiniser, mais ses transferts répétitifs de prison en prison l’empêchent de suivre le traitement de manière régulière.
Libéré en 2015, le Marocain ne peut régulariser sa situation car il ne dispose pas de certains documents. Début 2017, le sort s’acharne davantage sur lui. La préfecture de Strasbourg engage une procédure d’expulsion à son encontre, et les autorités rejettent tout recours à cette décision. Le quadragénaire est expulsé vers Casablanca le 28 juin.
Un «alien» dans son pays
A son atterrissage au royaume, Tarek est placé en garde à vue avant d’être relâché. Mais sans argent ni affaires, et ne parlant aucun mot de darija (il n’était jamais revenu au Maroc), il passe plusieurs jours à proximité de l’aéroport, où il est livré à lui-même et à la merci des agresseurs. Heureusement, une âme généreuse accepte finalement de l’héberger dans la périphérie de Casablanca. Mais sa famille d’accueil étant défavorisée, Tarek partage la même pièce avec plusieurs autres personnes. Inutile de préciser qu’il s’est gardé de dire la vérité à sa bienfaitrice et à ses nouveaux colocataires.
Qu’en est-il de sa famille au Maroc? Dès son atterrissage, Tarek les a contactés mais personne n’a voulu accueillir ce «monstre», a précisé à H24Info Ibtissame Lachgar, présidente du Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (MALI). «Dans l’immédiat, le mouvement essaie de tout faire pour lui trouver un logement et de l’argent pour subvenir à ses besoins, mais le but ultime serait qu’il retourne en France», a continué la responsable. Et d’ajouter que des avocats et d’autres associations en France s’activent à cette fin.
Une situation sans issue?
Lachgar nous a également confié que MALI, qui n’est qu’un mouvement, n’a pas les moyens financiers et logistiques pour aider efficacement Tarek. La militante a donc approché des associations marocaines, mais ces dernières ne réagissent pas. En attendant, le calvaire continue pour Tarek, qui, en plus de ne plus pouvoir suivre son traitement hormonal au Maroc, souffre d’épilepsie. Et pourtant, les autorités de l’aéroport ne lui ont pas remis ses médicaments pour cette dernière maladie.