Le parcours du combattant des femmes afghanes pour divorcer

Pleurant doucement sous les amples plis de sa burqa, Nadia révèle ce qui l’a poussée à accomplir l’inimaginable en Afghanistan: quitter son mari héroïnomane et violent.

De nombreuses femmes afghanes subissent des niveaux catastrophiques de violences domestiques. Mais face à l’étouffante mentalité patriarcale de la société, certaines testent un nouvel outil d’émancipation: le divorce.

 

 

L’islam n’interdit pas le divorce, mais ne l’encourage pas non plus. Si le nombre de séparations a augmenté dans l’Afghanistan post-taliban, il demeure extrêmement difficile à obtenir pour les femmes.

« C’est un drogué et un alcoolique », accuse Nadia en parlant de son mari. « Je ne peux plus vivre avec lui », souffle-t-elle, assise près de son père, à Jalalabad (est).

 

 

Des anciens de leur communauté tribale pachtoune ont bien tenté de la convaincre de retourner auprès de son époux. En vain. Nadia est devenue la première femme de sa famille depuis des générations à demander le divorce.

« Dieu a donné des droits aux femmes. Le divorce est l’un d’eux », souligne la jeune femme, qui prépare son dossier avec l’aide d’un programme du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) établi en 2014, le fonds d’aide juridique (Legal aid grant facility, LAGF).

 

 

 

 

 

 

Tribunaux misogynes

 

 

Il est relativement facile pour un homme de demander le divorce en Afghanistan, y compris par une simple déclaration orale à l’épouse.

Les femmes en revanche doivent passer devant un tribunal et ne peuvent obtenir la séparation que dans certains cas précis, comme l’abandon ou la maltraitance.

 

 

 

S’assurer les services d’un avocat est une gageure, même pour qui en a les moyens: il n’est pas rare que ceux représentant des femmes dans des cas de divorce soient menacés de mort.

Ainsi Nafisa, 22 ans, se trouve coincée dans l’incertitude, en raison du refus de son mari de divorcer.

 

 

Après 11 années de fiançailles, il l’a épousée in absentia depuis Londres, se faisant représenter par un dignitaire religieux lors d’une cérémonie de noces à Jalalabad.

Mais il se refuse depuis à revenir en Afghanistan ou à la faire venir auprès de lui, ce qui a poussé Nafisa à quitter la maison de ses beaux-parents et à demander le divorce.

 

 

Selon son oncle, l’acrimonieuse procédure de divorce a couvert de honte la famille et jette une ombre sur ses perspectives de remariage.

 

 

 

 

 

 

« Ne gâche pas ta vie »

 

 

C’est en partie pour cette raison que le divorce est souvent découragé. Les femmes divorcées vivant de manière indépendante sont rares en Afghanistan. Elles font souvent l’objet de soupçons et d’intimidations.

Les femmes en quête de séparation sont presque toujours poussées à chercher un compromis, parfois par le biais d’une médiation.

 

 

Zahra, âgée de 24 ans, reproche à son mari, avec qui elle a quatre enfants, de se droguer et d’avoir pris une seconde épouse après être tombé amoureux de la fille de leur voisin. Elle veut divorcer.

« Il se drogue devant notre bébé. Ensuite il me maltraite », lance-t-elle.

 

 

« Ne gâche pas ta vie. Pense aux enfants », lui objecte sa belle-mère. « Son autre épouse dit que c’est de ta faute s’il a pris une deuxième femme ».

 

 

Le mari reste assis silencieux sous le flot de récriminations.

« Les gens disent que tu vis dans un refuge et fais des choses mauvaises », insiste la belle-mère.

 

 

Zahra, depuis qu’elle a quitté le domicile conjugal, vit dans un refuge pour femmes battues, un lieu que les plus conservateurs n’hésitent pas à assimiler à une « maison close ».

« Un jour, il m’a tellement battue que je suis allée voir mon beau-frère et l’ai supplié de me donner de l’argent pour de la drogue », reprend Zahra, en larmes.

« Rentre à la maison », répond la belle-mère. « Il ne te battra plus ».