Marcher entre femmes à la conquête de l’espace public, telle est l’idée qui se cache derrière l’initiative Kayna, lancée par Loubna Batoul Bensalah en avril dernier. Le principe est simple, réunir des femmes des villages ou des villes et marcher ensemble quelque kilomètres pour échanger, partager et surtout se réapproprier l’espace public. En marche !
Loubna Batoul Bensalah est une passionnée de marche. Elle a parcouru 1000 km au Maroc et 1000 autres en Tunisie. « J’ai rencontré des centaines de femmes, et en les écoutant, j’ai réalisé que toutes, sans exception et ce peu importe leur statut social, leur âge ou leur métier étaient d’accord sur une chose : elles ont toutes notifié que l’espace public ne leur appartenait pas », nous explique la jeune femme à l’origine de cette initiative.
Après une première édition à Safi en avril, puis en mai à Mokrisset (un village entre Chefchaouen et Ouezzane), Kayna a été lancé officiellement à Rabat en juin dernier.
Etre partout au Maroc pour donner de l’importance au reste du royaume
Loubna Batoul Bensalah qui partage son temps entre Casablanca et Rabat souhaite lancer prochainement des marches le temps d’un week-end un peu partout au Maroc. Le but ? Inclure le civisme, rencontrer les associations locales et surtout laisser une trace pour que le combat continue sur place.
Comment se déroule une marche Kayna ? Un événement est d’abord créé sur Facebook, des personnes sur place sont contactées et sont invitées à partager l’événement avec leur entourage. Et cela fonctionne. Il y a toujours du monde qui rejoint l’événement. Pour inciter un maximum de femmes à participer dans les villages, Kayna n’hésite pas à faire du porte à porte pour les rallier à cette cause. « On se donne rendez-vous et nous partageons les témoignages de femmes qui réveilleront d’autres femmes ailleurs », nous explique Loubna Batoul Bensalah.
La marche contre l’oppression des femmes
Si Loubna Batoul Bensalah a choisi la marche pour faire entendre la voix des femmes, c’est surtout pour allier l’utile à l’agréable : « je partage avec elles ma passion. Elles sont nombreuses à être mariées, à avoir des responsabilités et donc à ne pas pouvoir barouder pendant des mois. Alors je leur propose une mini aventure. Il faut savoir que la marche facilite le contact et stimule le cerveau qui fonctionne à 5km/heure. Je leur propose donc une réflexion avec une mise au point finale. Je remarque toujours qu’après avoir parcouru tous ces kilomètres, les femmes gagnent en confiance, et en force. Ceci leur permet de revoir leur position dans la société », explicite la marcheuse.
Et la loi contre le harcèlement des femmes dans tout cela ?
Depuis l’entrée en vigueur de la loi contre le harcèlement des femmes le collectif #Zankadialna s’est réuni dans plusieurs grandes villes du Maroc pour se réapproprier l’espace public. Selon Loubna cette loi est une bonne chose mais…« c’est bien de changer la loi, mais il faut que les mentalités changent aussi dans la rue. Malheureusement ce sont les mentalités qui dirigent le pays, pas les lois », s’indigne la jeune femme qui sait qu’elle doit réfléchir à sa tenue avant de sortir ou encore qu’elle ne peut pas allumer une cigarette dans la rue sans faire face aux remarques désobligeantes. En attendant ce grand et tant espéré changement, Loubna Batoul Bensalah et son équipe continueront de marcher pour s’approprier l’espace public.
Rendez-vous début novembre pour une autre marche à la rencontre des Marocaines.