Pour une femme qui entreprend, faut-il dire entrepreneur, entrepreneure, ou entrepreneuse ? Les trois sont admis, et ça tombe bien, car les Marocaines qui entreprennent sont de plus en plus nombreuses. Nous avons rencontré six d’entre elles qui se sont démarquées en investissant à leur manière les domaines des nouvelles technologies, la mode, la pâtisserie, les ressources humaines, le design ou l’art et la culture. Tour d’horizon de leurs beaux projets. En épisode 1, l’univers de Narjiss Mossadak, jeshop.ma
Qui êtes-vous?
Oulaaa ! On ne peut pas dire que votre première question soit un cadeau ! Pas évident du tout d’y répondre ! En fait il faudrait poser la question à ma famille, mes amis, mon équipe (ma petite équipe plus précisément), enfin je crois, non ? Alors…que vous dire ? Je suis la fille de mon père que Dieu ait son âme. Et dans tous les sens du terme j’espère…même si à mon avis j’en suis encore loin et je n’y arriverais probablement jamais, tellement il avait placé la barre haute mais pour le moins, ça me motive !
Que faites-vous dans la vie ?
Je m’occupe de JeShop.ma, la première plateforme e-commerce luxe au sein du Royaume que j’ai créée il y a près de deux ans. Alors qu’elle était initialement destinée à être un vide-dressing en ligne, elle a vite évolué pour devenir une place de marché ouverte aux particuliers et professionnels. On peut y vendre et y acheter des articles de luxe neuf et deuxième main. Nous y retrouvons aussi le destock des grandes enseignes de la place mais aussi des articles « designés » par des créateurs marocains. La gestion d’un site e-commerce à fortiori multi-acheteurs et multi-vendeurs n’est pas de tout repos mais elle est également fascinante et aucune journée ne ressemble à l’autre.
Qu’est-ce qui vous a menée vers l’entrepreneuriat?
Pour être honnête, rien ne m’y prédestinait réellement et cela a été plus un hasard qu’autre chose, un concours de circonstances. Pure produit de l’administration, je ne me suis jamais imaginée dans le monde de l’entreprenariat et encore moins à Casablanca ! En fait, j’aime profondément le milieu administratif et j’y évolue comme un poisson dans l’eau, j’ai mes repères dans ce système et je m’en nourris. Ceci dit, l’univers ultra créatif de la mode m’a toujours attirée. Je dois avoir un côté un peu schizophrène ! Je vivais dans cette dualité d’univers et puis un jour tout a « basculé », sans trop savoir comment, ni pourquoi et j’ai commencé à travailler sur la création de jeshop.ma. Je voulais évoluer dans la « fashion planet » mais à ma façon, à mes conditions et surtout avec mon cachet administratif.
Qu’est-ce qui vous motive?
Ma motivation première demeure incontestablement l’envie, je dirais même le besoin de rendre mon père fier et surtout de rendre hommage à sa mémoire, à ses valeurs et à son éthique exemplaire du travail. Outre cela, il y a le côté challenge du projet, tout le monde pensait JeShop.ma voué à l’échec tellement le marché qu’il vise est pris d’assaut par l’informel et la contrefaçon. Donc relever le défi et « establish a legacy » en tant que pionnière dans le domaine est quelque chose qui me motive énormément. En parlant d’informel, je me sens fière d’être une citoyenne responsable car bien qu’infime, je crée de la richesse, et participe à la création de l’emploi. Donc à mon petit niveau j’estime participer au combat de l’économie parallèle qui est un véritable goulot d’étranglement pour notre pays.
Quels sont vos projets à venir?
J’en ai tellement; mais je voudrais déjà mener à bien mon aventure digitale avant de m’y atteler…
Un message aux jeunes entrepreneuses en devenir ?
En fait, le monde de l’entreprenariat est particulièrement rude et solitaire, notamment pour les femmes. C’est un véritable parcours du combattant, et pour ma part il est loin d’être fini ! Mais il faut garder le cap, ne pas baisser les bras, y croire et s’accrocher. J’ai personnellement été élevée dans des valeurs de travail, de rigueur, de persévérance et de sérieux… et il n’y a pas de secret, le sérieux finit toujours par payer même si souvent on en voit les fruits que bien plus tard. Il faut aussi savoir s’entourer des bonnes personnes, observer les expériences des autres, écouter les conseils et accepter la critique constructive. Et enfin et surtout, ne pas succomber à la facilité de l’informel et de l’économie parallèle.