Société

La ménopause, encore moins visible que les règles

Etape naturelle dans la vie des femmes, la ménopause reste peu visible, voire stigmatisée, dans une société qui érige la jeunesse en norme, et associations féministes et médecins aimeraient « briser le tabou ».

« Ma première bouffée de chaleur, j’étais au travail », se souvient Rosa, 60 ans. « J’ai eu chaud, froid, des palpitations, je me suis dit ça, ma vieille, c’est la ménopause qui vient taper à ta porte ».

Progressivement, cette cadre de santé commence à ressentir « fatigue, perte d’appétit, de libido, petite déprime, et surtout des bouffées de chaleur ». « Ça cochait toutes les cases de l’idée que je me faisais de la ménopause, alors j’ai vécu cette période avec une certaine fatalité, sans trop en parler autour de moi », témoigne-t-elle auprès de l’AFP.

Effet du vieillissement des ovaires, qui entraîne des bouleversements hormonaux, « la ménopause n’est pas une maladie », souligne Anne Gompel, gynécologue et endocrinologue.

Elle est pourtant souvent associée à « une image négative, celle du vieillissement et de la perte des fonctions ovariennes, ce qui touche à la féminité et la fertilité ».

D’où une période souvent vécue dans le silence.

Selon un récent sondage mené par l’institut Kantar pour MGEN, la Fondation des Femmes et le magazine Femme actuelle, 40% des femmes estiment que ce sujet est « pénible » et qu’elles ne veulent pas y penser, 39% des Français disent ne jamais en parler, et seule une femme sur deux l’a évoqué avec son conjoint.

« C’est un des derniers grands tabous de notre société », estime la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert, souhaitant « que les femmes prennent davantage la parole pour lui donner la même visibilité qu’aux règles ou à l’endométriose aujourd’hui ».

« Obsolescence programmée » 

Pour cette féministe, ce sujet est « encore trop souvent ignoré et moqué » car il concerne les femmes âgées.

En témoigne cette conférence sur la ménopause organisée il y a quelques mois dans une entreprise d’un millier de salariés qui n’a accueilli que 15 femmes.

« J’étais sidérée », relate la médecin du travail à l’origine de l’initiative. « J’avais fait venir une gynécologue car je pensais vraiment que ça intéresserait, qu’il y aurait plein de questions, mais plusieurs salariées m’ont clairement dit qu’elles ne voulaient pas être vues comme ménopausées par leurs collègues ou supérieurs ».

Pour elle, « on y associe encore l’image de la sorcière, de la vieille peau fripée, de la femme qui a des vapeurs ».

Dans son essai « Sorcières, la puissance invaincue des femmes », l’autrice Mona Chollet consacre un long chapitre à « la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur ».

« La femme ménopausée, au comportement et à la parole parfois plus libres qu’auparavant, est devenue un fléau dont il fallait se débarrasser », écrit-elle, racontant « le sentiment d’obsolescence programmée » et « la hantise de la péremption qui marque toute l’existence des femmes » mais pas celle des hommes.

De fait, « la ménopause est vécue comme une mauvaise nouvelle alors qu’après cette période transitoire, c’est quand même la liberté, sans règle, sans contraception, et moins de contraintes familiales », nuance Marie, 60 ans, ménopausée depuis une dizaine d’années.

Néanmoins, pour cette cadre, qui a eu « un petit souci de cancer du sein » après avoir pris pendant plusieurs années un traitement hormonal de substitution (THS) pour contrer les effets de la ménopause, « l’information est très, très insuffisante, même auprès des généralistes ». Son chirurgien lui a d’abord recommandé d’arrêter le traitement, avant de lui conseiller de le reprendre, sans plus d’explication.

Un léger sur-risque de cancer du sein lié au THS a été mis en évidence, mais surtout aux Etats-Unis où le traitement est plus fortement dosé. « Avec nos traitements à la française, il n’y a pas zéro risque mais le risque est plus faible », explique le Dr Gompel. « La ménopause est certainement une période de transition où des risques pour la santé des femmes peuvent apparaître, et on doit faire de la prévention et ne plus en avoir honte ».

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