Les islamistes marocains baignent dans la schizophrénie. Dernière exemple en date de cette pathologie: l’affaire Hajar Raïssouni, du nom de la journaliste récemment arrêtée pour des faits supposés d’adultère et de relations sexuelles hors mariage.
Hajar Raïssouni et les oeillères des islamistes
Les islamistes marocains baignent dans la schizophrénie. Dernière exemple en date de cette pathologie: l’affaire Hajar Raïssouni, du nom de la journaliste récemment arrêtée pour des faits supposés d’adultère et de relations sexuelles hors mariage.
Lundi, des centaines de personnes ont manifesté à Rabat pour réclamer la libération «immédiate» de la journaliste d’Akhbar Al Yaoum. Elles ont également demandé la révision du Code pénal et la dépénalisation de l’avortement. Ce dernier point fait grincer des dents les islamistes.
Deux figures de cette mouvance, Hassan Bennajeh (Al Adl wa Al Ihssane) et Bilal Talidi (PJD), y ont vu une tentative de détournement de l’affaire Hajar Raïssouni de la part du camp «laïque» pour aboutir à un objectif: «dépénaliser l’avortement».
«Comment est-ce possible que des manifestants brandissent des slogans idéologiques (pro-avortement) alors que la seule réclamation de ce sit-in devrait être la demande de libération de Hajar Raïssouni», a écrit le cadre de la Jamaâ sur sa page Facebook. Bilal Talidi abonde dans ce sens: «Cette confusion est destinée à confirmer les accusations portées contre la journaliste». Rien que ça !
Sans juger de la bonne foi de ces responsables conservateurs, leur position est pour le moins évocatrice de leurs propres contradictions. Ils soutiennent Hajar Raïssouni, mais refusent de débattre de la nécessité de revoir la législation en matière d’avortement. Certes, ils estiment que la journaliste a été victime d’un traquenard fomenté par le Makhzen et réfutent les accusations d’ «avortement». Mais si les accusations portées contre notre consoeur s’avèrent véridiques, quelle sera alors leur position dans ce cas? C’est là où le discours des islamistes devient dangereux, tout particulièrement pour celle qu’ils sont censés défendre. Surtout que le passé récent ne plaide pas en leur faveur.
On se souvient de l’affaire du couple (illégitime) Benhamad-Nejjar, de l’idylle amoureuse entre les ministres Choubani et Ben Khaldoune (qui n’étaient pas mariés au moment où l’affaire a éclaté), des virées parisiennes de Mohammed Yatim avec sa jeune masseuse… Autant d’affaires qui ont mis dans l’embarras le camp islamiste. Il serait donc temps que la mouvance islamiste finisse par admettre que les hommes (et les femmes) ne sont pas des saints, et que leur dogmatisme en matière de non-respect des libertés individuelles devient obsolète. Il en va du bien de tous, des islamistes d’abord. On le sait, et les chiffres parlent d’eux-mêmes: 600 à 800 femmes se font avorter tous les jours au Maroc. Parmi ces centaines de femmes, quelques-unes ont sans doute un père, un frère ou un oncle qui partage des opinions islamo-conservatrices et anti-avortement.
Mais, heureusement, tous les islamistes ne se ressemblent pas. Récemment, la députée Amina Maelainine, elle-même photographiée cheveux aux vents devant le Moulin rouge à Paris, a écrit sur sa page Facebook: «Les dispositions du Code pénal marocain sont très anciennes et datent des années 60, elles ont désormais besoin d’une révision profonde et globale compatible avec l’État de droits et des libertés (…) Je pense, à titre personnel, que plusieurs lois nécessitent un changement radical parce que la protection des libertés collectives passe par l’obligation de protéger les libertés individuelles, en dépit de la sensibilité de cette notion chez les islamistes». À bon entendeur…