Marocaines, jeunes et entrepreneuses “Ep 5”: Leila Naim

Pour une femme qui entreprend, faut-il dire entrepreneur, entrepreneure, ou entrepreneuse ? Les trois sont admis, et ça tombe bien, car les Marocaines qui entreprennent sont de plus en plus nombreuses. Nous avons rencontré six d’entre elles qui se sont démarquées en investissant à leur manière les domaines des nouvelles technologies, la mode, la pâtisserie, les ressources humaines, le design ou l’art et la culture. Tour d’horizon de leurs beaux projets. En épisode 5,  le monde de Leila Naim.

 

 

 

Experte en sociologie du comportement, coach en performance personnelle et professionnelle et responsable du master Ressources Humaines à ESCA Ecole de management.

 

 

Vous accompagnez des jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat, quels sont leurs besoins en coaching ?

 

 

Leila Naim: Les besoins en coaching sont très variables et relèvent du cas par cas. Toutefois, il existe des problématiques récurrentes pour lesquelles plusieurs femmes demandent à être accompagnées. La prise de parole en public revient incessamment chez plusieurs femmes et surtout celles qui sont censées présenter un pitch ou une conférence pour créer un réseau autour de leur business ou dynamiser leurs équipes. D’autres problématiques interviennent également telles que les problèmes familiaux ou les problèmes de confiance en soi ou les blocages psychologiques qui surviennent d’ancrages programmées à travers l’histoire personnelle de certaines femmes entrepreneures.

 

 

Selon vous, quels genres de déclics peuvent pousser à une femme à se lancer?

 

 

Les déclics surviennent majoritairement du cumul de plusieurs événements et qui ont poussé la femme entrepreneure à réfléchir différemment à une solution dans laquelle elle sera proactive. Ça peut être suite à un divorce ou un licenciement avec une difficulté de se réinsérer professionnellement, un déménagement dans une autre ville où la femme ne connaît personne et a besoin de rester active ou carrément une envie de vivre différemment et de gagner sa vie autrement. Le besoin de créer sa propre entreprise chez une femme arrive généralement dans les moments où seule la création d’une entreprise ou de son propre job apparaît comme une issue et un recommencement.

 

 

Quelles sont les qualités requises pour se lancer ?

 

 

La détermination, selon moi, est la qualité impérative et la plus conséquente pour mener un projet à entreprendre à termes. Elle est essentielle lors de tout le processus de mise en place du projet, processus qui connait d’habitude plusieurs péripéties et complications qui risqueraient de décourager la femme entrepreneure et la faire revenir en arrière. Ensuite, arrive le fait de croire en ses capacités, c’est pourquoi l’ambition et la confiance en soi arrivent, selon moi, dans le top cinq des atouts pour entreprendre. D’autres critères que j’ai personnellement noté chez mes coachées sont la passion et l’envie de se sentir libre. Toutefois, la détermination et la motivation sont les deux critères les plus importants à mon sens et que je vérifie, personnellement, à partir de la première séance de coaching avec mes clientes.

 

 

Arrivent-elles facilement à se détacher de la « stabilité » offerte par le salariat?

 

 

Celles qui bénéficiaient du statut de salariée stable dans une entreprise et qui décident de changer pour l’entreprenariat sont dans la majorité des cas, en tout cas pour celles dont personnellement j’assure l’accompagnement, issues de milieux socio-économiques aisé ou moyennement aisés et dont les parents ou l’époux sont également des entrepreneurs. Dans ce cas, elles doivent passer par un bilan de motivation et de difficultés. Le projet doit être en cohérence totale avec le parcours professionnel de l’entrepreneure et avec sa personnalité. La création d’entreprise est chronophage. Le projet demande de sacrifier sa vie personnelle et familiale, d’y dédier l’ensemble de son temps. Il est primordial que la femme entrepreneure puisse bénéficier du soutien familial et d’un accompagnement pour vaincre la solitude de l’entreprenariat.

 

 

Peut-on dire qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer ?

 

 

L’Organisation Internationale du Travail (OIT) en partenariat avec la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et l’Association des Femmes chefs Entreprises du Maroc (AFEM) a réalisé  une enquête sur l’entrepreneuriat féminin et selon cette enquête les secteurs clefs de l’entreprenariat au féminin qui ont été identifiés sont le textile-habillement, le tourisme, les services, les produits du terroir et l’artisanat. Les femmes entrepreneures au Maroc restent minoritaires mais elles sont de plus en plus dynamiques.

 

 

 

Quelles sont les difficultés spécifiques au statut de femmes qu’elles rencontrent au Maroc?

 

 

Les grandes difficultés émanent de l’entourage de la femme elle-même et notamment par rapport à la quantité énorme de travail que demande l’entrepreneuriat. Nous trouvons encore beaucoup de maris, de parents, qui ne sont pas prêts à ce que leur femme ou fille travaille tard le soir, voyage beaucoup, assiste à des meetings ou rencontres professionnelles… Les problématiques autour de la garde des enfants et le suivi scolaire de ces derniers mais également le rôle que doit jouer la femme dans son foyer en tant qu’épouse. Le foyer marocain reste très dépendant de la femme. C’est elle la dynamo de la famille et c’est cette dépendance qui bloque la femme entrepreneure qui n’arrive pas à se consacrer complètement à son activité et surtout dans la phase de lancement qui exige une mobilisation totale de la part de cette dernière.

 

 

Comment vivent-elles le fait d’être chef d’entreprise ?

 

 

Elles le vivent de façons très différentes en fonction des entourages et environnements auxquels elles appartiennent. Lorsque la femme entrepreneure appartient à une famille d’entrepreneurs, le vécu est plus facile et bien toléré. Mieux encore, elle bénéficie du retour sur expérience de son entourage, de leur réseau et de leur soutien sur le plan mental voire même de leurs encouragements. La femme entrepreneure qui vient d’un milieu où les hommes ne sont pas entrepreneurs aura certainement plus de difficultés à faire accepter ses choix à son environnement et à solliciter son soutien et ses encouragements.

 

 

Pourriez-vous nous décrire un des moments les plus marquants lors d’une séance de coaching?

 

 

Les séances de coaching se déroulent suivant cet ordre… Une première séance pour faire connaissance, vérifier si le courant passe, convenir du cadre (lieu, durée, fréquence, tarifs des séances, etc…) et bâtir un plan de travail. Ensuite, généralement entre 3 et 10 séances pour atteindre un objectif ambitieux que la cliente avait elle-même fixé. Enfin, une dernière séance pour partager un bilan… et conclure ! Tous ces moments sont marquants lors du coaching de l’entrepreneure. Durant toutes les séances, les questions à se poser sur son projet de création d’entreprise sont nombreuses et stimulantes sur tous les plans, à la fois émotionnels et intellectuels.

 

 

Arrive-t-il que la séance se mue en une confession intime ou personnelle ?

 

 

Nous abordons beaucoup de questions personnelles lors des séances de coaching. Les blocages, les angoisses, le stress viennent souvent de la pression exercée autour de soi de la part de son entourage ou à partir des conflits intérieurs résultants des ancrages précédents ou des histoires personnelles vécues. Il faut enclencher le travail sur soi-même pour atteindre la réconciliation avec soi, l’acceptation de soi, l’indulgence avec soi-même pour gagner en confiance et aller vers la réalisation de soi à travers la réalisation de son projet.  Quelques séances peuvent prendre la forme de confidences intimes, certes, mais nécessaires pour mieux identifier les problématiques réelles derrière tel ou tel blocage ou réflexe ou croyance limitative.

 

 

Que diriez-vous aux jeunes femmes qui songent à se lancer mais n’osent pas?

 

 

Votre passion, votre désir, votre volonté d’apprendre et de vous développer, c’est avant tout un investissement. L’impatience et l’idéalisation sont vos ennemies. Essayez de les vaincre. Poursuivre vos rêves, c’est vous offrir la possibilité de réussir sur le moyen et long terme…Soyez patientes et surtout déterminées.  Impliquez votre entourage dans votre projet et apprenez à créer un réseau autour de vous. Et, surtout, soyez indulgentes avec vous-mêmes et n’oubliez pas que vous n’êtes pas parfaites mais que vous essayez de faire de votre mieux.