En 2013, Mayssa Salima Ennaji était la coqueluche des milieux conservateurs, à tendance misogyne. Ennemie déclarée des féministes et des modernistes qui prônent l’émancipation de la femme, elle signait à cette époque une déclaration de guerre en tirant à boulets rouges sur les femmes libres et en s’inscrivant contre le projet de loi sur les violences faites aux femmes.
Mayssa Salima Ennaji: la femme qui n’aimait pas les femmes retourne sa veste… et vire son voile
En 2013, Mayssa Salima Ennaji était la coqueluche des milieux conservateurs, à tendance misogyne. Ennemie déclarée des féministes et des modernistes qui prônent l’émancipation de la femme, elle signait à cette époque une déclaration de guerre en tirant à boulets rouges sur les femmes libres et en s’inscrivant contre le projet de loi sur les violences faites aux femmes.
Dans le top 3 des propos qu’elle tenait à la belle époque de son métier de chroniqueuse :
- «Le mari qui interdit à sa femme de travailler parce qu’il ne veut pas qu’elle se mélange à des hommes a raison, à condition que la femme l’accepte»
- «On veut punir les harceleurs mais laisser impunies les femmes aguicheuses et semi-dévêtues qui déambulent dans nos rues. Il faut criminaliser la nudité».
- « L’égalité qui est prônée serait une injustice faite aux femmes, car elles ont des capacités inférieures aux hommes»
Pour la Mayssa de l’époque, la femme a une place, chez elle. La femme a un donneur d’ordres, son mari. La femme doit suivre une morale, celle de Dieu.
A cette époque aussi, la jolie frimousse encadrée par un voile qu’elle revendiquait comme une part de son identité compte 84.000 fans sur Facebook, le double en comparaison au PJD, son parti politique de cœur. Aujourd’hui, ils sont plus d’un million.
Les lecteurs masculins ne jurent que par elles, commentant avec enthousiasme ses chroniques sur le web et ses posts sur les réseaux sociaux. Pour ses adeptes, elle est somme toute la femme idéale. Jolie femme, grande gueule pour faire entendre la voix des vrais musulmans mais, devine-t-on dans ses prises de position, soumise à la maison.
Soutenue en masse par la toile, elle ira encore plus loin en applaudissant la ministre Bassima Haqqaoui dans son projet d’enterrer mort-né le projet de loi contre les violences faites aux femmes.
Après tout, selon elle, le gouvernement a des choses bien plus importantes à faire. Et d’en profiter pour fustiger, celles qu’elle appelle les «vêtues dévêtues», ces femmes qui sont un appel au viol, qui se plaignent de harcèlement alors même qu’elles provoquent ces pauvres hommes régis uniquement par leurs pulsions animales et incapables visiblement de toute autre réflexion que celle qu’abritent leurs sous-vêtements. Pas de pitié pour ces femmes coupables, très certainement des modernistes laïques, des «mounafiquates», ou encore mieux des «hmarates» pour citer les termes de la «journaliste engagée».
Comment retourner son voile en une leçon…
Et puis, les années ont passé. 5 années précisément. Et Mayssa Salima Ennaji de nous revenir dévoilée, porteuse d’un tout autre message, cette fois-ci moderniste et prônant les libertés individuelles.
Sur le même site Hespress où elle déversait pendant des années sa haine des femmes, la nouvelle Mayssa fait son coming out en déclarant, les cheveux au vent: « Je suis arrivée à une étape où je ne juge plus les gens. Et après avoir remarqué toutes ces contradictions en moi et chez les Marocains. Je me suis remise en question et j’ai commencé à me dire que chacun est libre de ces actes« , a-t-elle déclaré.
Elle en profite pour se dissocier du PJD, qu’elle soutenait corps et âme, en les rendant responsables de sa transformation. Elle aurait souhaité changer en raison de cette tendance actuelle qui tend à rendre responsables de tous les maux de la société ceux qui s’éloignent de la religion, par exemple, «ceux qui souhaitent ne pas faire le ramadan».
Elle accuse par ailleurs le parti qu’elle soutenait d’avoir failli à sa mission. Pas seulement celle d’aider les pauvres à sortir de leur misère mais également d’avoir failli à ses engagements religieux en continuant d’autoriser la vente d’alcool notamment et pire, de profiter des taxes sur la vente de boissons alcoolisées pour asseoir un programme censé être basé sur la religion. Autrement dit, l’hypocrisie religieuse du PJD au profit de la politique aurait eu raison du voile de Mayssa.
Elle fait ensuite une sorte de mea culpa quant aux insultes proférées par le passé contre les femmes libérées, les homosexuels ou toute autre personne sortant de cette route pavée de religiosité dégoulinante.
Puis de s’en prendre à ces immigrés qui viennent passer l’été au Maroc et qui critiquent la nouvelle loi marocaine selon laquelle une femme peut être adoul. «Toi qui critique cette loi quand tu viens passer tes congés au Maroc et qui retourne en Allemagne, un pays dirigé par une femme !»le harangue-t-elle, cet immigré qui vit en décalage et qui veut tout et son contraire.
Anormaux, pour Mayssa, ces gens qui vivent ailleurs, dans des pays civilisés où on respecte les libertés de croyance, les libertés individuelles, et qui reviennent au Maroc, prôner des idées fermées.
Elle cite comme exemple l’Allemagne d’Angela Merkel, les Etats-Unis d’Hillary Clinton, la Grande-Bretagne, comme exemples de pays tolérants où se réfugient les nouvelles cibles de ses critiques.
Enfin pour illustrer ses propos, elle prend l’exemple de groupes de singes en Afrique et de l’évolution de leur société, de leurs habitudes. Ceux qui n’ont pas voulu changer se sont éteints, les autres se sont dissociés du groupe, ont évolué et ont marché sur deux pieds… Parlerait-elle de l’évolution selon Darwin ? Aucune idée…
Sa suggestion : adapter la religion à la vie moderne. «On doit muter !» dit-elle, car «si on n’avance pas, on va s’entretuer». Et de conclure «comme disait Nelson Mandela ou bien Martin Luther King… Si nous ne vivons pas comme des êtres humains, nous allons nous entretuer comme des animaux». Pour elle, c’est la religion, ou du moins la pratique que l’on en fait qui risque de causer cette tuerie.
«Son mot de la fin aux femmes ?» la questionne le journaliste. «Les femmes ? je n’ai rien à leur dire…»
Merci pour ce moment Mayssa…
Zineb Ibnouzahir