En école de journalisme, on nous a enseigné l’importance de l’impartialité. J’ai toujours mis un point d’honneur à rester impartiale, à relayer l’information sans jamais donner mon avis. Mon but: ne pas influencer le lecteur. Depuis l’arrestation du chanteur marocain Saad Lamjarred, j’ai relayé l’information, me gardant de donner mon avis. La féministe en moi souhaitait cracher son venin sur cette affaire, écœurée par une énième histoire de viol. Mais la partisane de la liberté, s’incline devant l’article 9 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : «Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ». Oui je crois en la présomption d’innocence, mais je crois aussi au respect de la victime de viol, et sur les réseaux sociaux nous sommes peu nombreux à y croire.
Je sais que je vais me mettre à dos les fans du chanteur, je sais que je vais me mettre à dos des connaissances que nous avons en commun, lui et moi. Je sais tout ça et pourtant je ne peux me retenir d’exprimer mon horreur. Cette horreur d’avoir vu, hier, devant le Consulat de France des enfants, des femmes, des hommes, des personnalités publiques, agiter le drapeau marocain, scander des slogans, témoigner leur soutien. Hier, j’ai voulu croire que la population marocaine s’était déplacée pour défendre ses droits civiques, mais elle était venue défendre celle d’un homme accusé de viol.
Devant ce spectacle ahurissant, j’ai traversé les 5 phases du deuil. Le déni : je ne peux pas croire qu’en 2016, on organise des manifestations pour défendre l’auteur présumé d’un viol. La colère: et si c’était vous, votre fille, votre sœur, votre femme? Comment pouvez-vous insulter une présumée victime de viol? La négociation: cela dénote peut-être d’un manque d’éducation, un encrage résistant dans la culture patriarcale. La résignation: on est libre de manifester pour ce que l’on croit légitime, c’est une forme de liberté d’expression. L’acceptation: la féministe le refuse!