Ce matin, en découvrant une vidéo d’une extrême violence montrant le viol d’une jeune fille par quatre criminels dans un bus de la métropole casablancaise, j’ai vu mon pays sombrer dans les pénombres de la criminalité et de la folie.
Beaucoup, par respect pour la jeune fille et pour préserver les esprits fragiles, ont décidé de ne pas montrer ladite vidéo. Moi, je fais le choix assumé de la publier en signe de soutien à cette fille à qui on doit un regard franc et sincère de ses souffrances. Il est temps que tout un chacun enlève ses œillères et regarde droit dans les yeux l’inadmissible pour jauger le degré de gravité de ce crime ignoble et le degré de je-m’en-foutisme des protagonistes qui semblent être fières de leur acte.
Leurs sourires et la scène, de longues secondes, de ce viol sont insoutenables et témoignent de leur inconscience. Cette inconscience, greffée à leurs pauvres cerveaux, témoin de l’impunité de beaucoup de leurs semblables dans notre pays.
Ils ne sont, au final, que l’échantillon représentatif de ce que toute une génération, en l’absence cruelle d’une éducation sexuelle – et d’une éducation tout court – sous couvert de 7chouma et de religion, est en passe de devenir si les responsables de ce pays continuent à se cacher derrière leurs arguments désormais irrecevables et si les juges de ce pays continuent dans leur laxisme vis-à-vis de tous ceux qui violent nos compatriotes sous prétexte qu’elles sont en jupe ou en voile. Sous prétexte qu’ils sont homosexuels, qu’ils ont un cul bombé, un habit pas trop masculin ou trop imberbes.
Ces criminels, bavant de désir et l’assouvissant jusque dans un bus, n’ont rien à envier à leurs frères criminels zoophiles qui ont violé une ânesse pas plus tard que la semaine dernière.
Ils n’ont rien à envier à tous les violeurs qui peuplent notre pays et qui sont en circulation libre soit parce que les victimes n’osent pas porter plainte – c’est malheureux mais comme je les comprends quand on voit ce qu’un peuple et le système judiciaire peut inventer comme excuses au bourreau pour incriminer la victime -, soit parce que beaucoup de juges au Maroc et malgré les preuves accablantes leurs offrent le cadeau de la liberté au détriment des sentiments et de la santé mentale de leurs victimes.
D’ailleurs, grand nombre de victimes de viol se sont donné la mort suite à des verdicts clownesques. Oh ! Elles ont « bénéficié » de quelques articles dans la presse avant d’être enterrées dans le cercueil de l’injustice et de l’oubli.
Bref. Maintenant, laissez-moi deviner la suite des événements. Les criminels seront arrêtés et notre presse nationale, dont je salue très sincèrement le travail, en fera les gros titres et on applaudira la « justice ». On applaudira la réactivité de cette justice qui mettra ces « gamins » derrière les barreaux tout en leur infligeant – et je l’espère – des peines exemplaires.
On applaudira et on vaquera à nos occupations jusqu’à la prochaine vidéo d’un viol encore plus « assumé » peut-être sur une grande artère, puis on grondera, puis les criminels seront emprisonnés et condamnés, on boucle la boucle et on recommence.
Sauf que, et on a tendance à l’oublier ou à fermer les yeux parce que c’est certainement mieux pour le moral, notre pays regorge d’affaires de viol tous les jours que Dieu fait. Tous les jours, des Marocains sont victimes de viol, et ces personnes n’ont pas le « privilège » (regardez-moi, je trouve qu’être filmé est un privilège pour que justice soit enfin faite) d’être filmés et médiatisés.
Ces victimes, s’enferment dans le mutisme parce qu’elles ont peur ou honte. Honte parce qu’elles pensent être responsables de ces actes criminels, parce que notre pays ne fait aucun travail de sensibilisation, ne leur tend pas la main, ne leur garantit pas la justice qu’elles méritent. Et celles qui porteront plainte, 1% selon les chiffres, ne seront pas sûres de voir leurs bourreaux derrière les barreaux. Énorme, non ?! Pourtant, c’est notre réalité triste et amère.
Aujourd’hui, c’est très bien qu’on soit (enfin !) presque tous d’accord sur la gravité de ce crime et qu’on demande – à l’unisson – que ces violeurs soient punis et que l’honneur de cette fille soit rendu. C’est très bien.
Mais aujourd’hui, il faudra aller plus loin et réclamer que la justice traite chaque affaire de viol avec respect, transparence, détermination et indépendance et qu’elle applique les lois (même si personnellement je les trouve très laxistes mais ça serait « déjà ça ») en respectant la dignité des plaignants et en arrêtant de leur infliger d’autres viols, ceux de l’injustice.
Cette chronique a été publiée sur la page Facebook, Les chroniques de Majda.