Depuis quelques jours, nous apprenons – dans notre presse nationale que je salue chaleureusement – quelques « modifications » dans la vie des élèves de notre pays avec un mélange d’amusement et de lassitude. Parce que oui, le ridicule nous fait rire et l’incompétence nous rend las.
Il paraîtrait que le Ministère de l’éducation nationale a jugé très utile d’imposer le chant de l’hymne national deux fois par semaine à partir de cette année.
Que voulez-vous ! C’est comme une sorte de pilule, à vertus patriotiques hallucinogènes, qu’on administrera aux élèves hebdomadairement histoire de leur rappeler où ils vivent et pour qui ils doivent leur totale dévotion. Amen. Il paraitrait que c’est même une urgence absolue que « Manbita l’a7rar, machri9a l’anwar » soit ainsi chantonnée par nos petites têtes brunes qui doivent absolument tout à un système éducatif somnolant, qui à défaut de s’attaquer aux vrais chantiers, vient nous annoncer cette nouvelle en grandes pompes. Attention. Je n’ai rien contre l’hymne national, moi aussi j’adore crier « bichi3ar Allah al watan al malik ! » comme tout Marocain avant un match de football, mais enfin bon ! Pitié ! Ils ne pouvaient pas annoncer quelque chose de plus vital ? Une réforme adéquate qui viendrait réanimer l’enseignement public dans un état végétatif depuis plusieurs années ? Nous nageons en plein délire là ! Hein que nous nageons en plein délire ?
Et comme tout ceci n’était pas assez suffisant, parce que sinon ça ne serait pas très drôle, les directeurs d’établissements scolaires ont reçu de nouvelles directives, vitales encore une fois, leur annonçant des changements d’horaires pour le vendredi.
Et c’est ainsi que dorénavant, leurs écoles ouvriront leurs portes – le jour saint – à quinze heures au lieu de quatorze heures pour se refermer à dix-neuf heures au lieu de dix-huit heures pour, et je les cite « faciliter l’accomplissement de la prière du vendredi ». Al Hamdoullah ou khlass !
La perfection de notre système scolaire nous offre le luxe de chanter et même de changer les horaires au gré des prières (ne parlons même pas de l’heure tardive et de l’insécurité, surtout en hiver). Ils ont un véritable problème d’hiérarchisation des urgences mais l’hamdoullah, ces changements nous offriront des générations de patriotes convaincus et pieux. Que demande le peuple !
Ça me rappelle cette manie – sans véritable transition de ma part, je vous l’accorde – de construire dix mosquées par rue pendant que ces mêmes têtes brunes censées chanter et prier n’ont même pas d’écoles dignes de ce nom… ou pas d’écoles tout court. Oh ! Je sais ! Les mosquées sont construites par de généreux donateurs, je connais le refrain arjoukoum ! Mais aumône pour aumône, autant injecter cet argent pour instruire nos enfants.
L’essentiel de l’Islam ne serait-il pas la « niyya » ? Le premier verset Coranique n’était-il pas « i9ra2 » (« lis », « instruis-toi ») ? La religion c’est bien, je ne le conteste pas, mais la religion sans instruction … Ce n’est pas très, très bien. Pas du tout même !
Je n’arrive pas à comprendre ce grand foutoir qu’est devenue l’éducation des Marocains. Au vu de l’état désastreux de nos écoles dans lequel nous pataugeons depuis des années, ne serait-il pas urgent que notre Ministère de l’éducation nationale – qui nous pond des changements de forme et que dalle dans le fond – s’attèle à la tâche de réformer l’enseignement ? De construire des écoles ? De former un personnel compétent ? De mettre au premier plan l’égalité des chances ? De respecter la religion régissant ce pays (par le poids de la contradiction certes) et de transmettre le savoir aux générations actuelles et futures ? Si l’enseignement public reste dans son coma, quels dirigeants aurions-nous dans le futur ? Des « privilégiés » que les parents ont eu la présence d’esprit, peut-être les moyens et surtout l’intelligence de « sauver » in extremis, en les confiant au privé ou aux écoles étrangères ? Et le « reste » ? Qu’en sera-t-il du « reste » a 3ibad llah ?
Un reste, majoritaire (ne l’oublions pas) qui souffre dans l’indifférence d’un Ministère qui met du désodorisant sur de la crasse pour masquer les odeurs à défaut de « nettoyer » et épargner nos narines de cette puanteur devenue bien ancrée dans les bâtiments délabrés qui abritent ces petits Marocains censés être les dirigeants de demain.
L3ekkar fo9 l’Khnouna. Bravo !
Cette chronique a été publiée sur la page Facebook, Les chroniques de Majda.