De plus en plus de femmes marocaines adoptent le voile islamique. Ce qui constituait il y a quelques décennies une aberration est aujourd’hui une tendance majeure qui s’est imposée au dépend des traditions vestimentaires du Maroc.
Dans le Maroc d’antan, celui de nos grands-mères et de nos arrières grands-mères, le port du voile ne suscitait aucun débat. Il était de coutume pour les femmes de se voiler, certes, mais dans un soucis de pudeur, très loin de considérations religieuses ou politiques.
Lire aussi: Hijab, jilbab, niqab, burqa… : éclairage sur les différents voiles
Les femmes s’habillaient en Djellaba et couvraient la partie inférieure de leur visage. Le front, les yeux et le nez restaient apparents tandis que la bouche, elle, se laissait deviner, toute en transparence. Les femmes rurales quant à elles, adoptaient le haïk, ce grand tissu blanc dans lequel elles s’enveloppaient savamment, en maîtrisaient l’art de le tenir du bout des doigts. Puis vinrent les années 50, le retour d’exil du Roi Mohammed V et l’apparition de Lalla Aicha notamment, en tenue occidentale. De la même manière que les Tunisiennes à la même époque commencèrent à délaisser les djellabas, les Marocains adoptèrent peu à peu cette mode venue d’ailleurs pour certaines, quand d’autres continuèrent à porter la djellaba mais en retirant leur voile.
Pourquoi donc ce revirement ?
Quelles influences ont-elles pu avoir un tel impact sur les femmes du Maroc ? Jusqu’aux années 80, le voile représentait de l’histoire ancienne pour les citadines. Mais c’était sans compter la révolution islamique iranienne, et les discours exaltés de Khomeyni qui appelait les femmes à se voiler.
Lire aussi: Iran: une manifestante contre le voile fait sensation sur le web (VIDÉO)
Si ce mouvement ne parvint pas au Maroc, il influença en revanche les Marocains vivant à l’étranger, notamment en Belgique et en Hollande. Touchés de plein fouet par les discours iraniens et les prêches d’imams conservateurs, soucieux de préserver la chasteté de leurs filles dans les pays occidentaux où ils ont élu domicile, beaucoup de pères immigrés
voilèrent leurs filles, des pieds à la tête. De retour au bled, chaque été, les Marocains découvrirent une nouvelle manière de se vêtir venue d’ailleurs, une nouvelle manière aussi de se baigner habillée et l’adoptèrent peu à peu. Une tendance que le Roi Hassan II qualifiait alors de « phénomène étranger à la culture marocaine ».
Autre influence de taille, celle des pays du Golfe. Pourtant bien loin du Maroc, de ses traditions, de sa culture et de sa pratique de la religion, le style de vie Wahabbite débarqua au Maroc par le biais des télévisions satellitaires dans un premier temps, relayé par la suite grâce à internet et aux réseaux sociaux. Alors que les années 90 étaient rythmées par des émissions telles que « Roukn Al Moufti », où l’on débattait à la télévision marocaine de sujets religieux et de la marche à suivre dans telle ou telle situation, les prêches de prêcheurs moyen-orientaux imposèrent une identité construite sur la base de l’islam. Réfuter cette manière de penser ou tenter de l’atténuer revenait alors à s’opposer à la religion. L’heure du changement avait sonné au Maroc. De la même manière que nos grands-mères et nos mères revendiquèrent le droit de porter un jean et un chemisier, une robe et des escarpins, les jeunes filles de la fin des années 90 militèrent à leur tour pour porter le voile intégral.
Qu’est-ce qui cache sous le voile des Marocaines ?
Une étude de 2007 intitulée « Les Jeunes et le voile», dirigée par le sociologue Driss Bensaïd, a porté sur des lycéennes, des étudiantes, des ouvrières. Cette enquête démontre que jeunes filles voilées n’ont que «des connaissances fragmentaires et déformées des versets coraniques et des hadiths relatifs au voile».
Le port du hijab par les femmes aurait aussi un « rapport étroit avec le regard de la société patriarcale qui les veut pures, de première main». Au Maroc, on le porte ainsi au nom d’une conviction religieuse qui s’est installée à mesure que la culture, elle, reculait à pas de géant. Au nom aussi de tendances de mode venues d’ailleurs. Au nom de la paix que l’on pense trouver dans un habit à connotation religieuse qui croit-on nous préservera des agressions masculines. Au nom de l’obéissance à ses proches qui l’imposent à leurs filles ou du pseudo visage de filles sans problème et bonnes à marier que l’on souhaite montrer pour taire les commérages…
Les raisons de porter le hijab au Maroc sont nombreuses et dénotent souvent de l’instrumentalisation de la religion pour vivre en paix.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.