Depuis plusieurs années maintenant, le selfie régit nos vies, au point de pousser de nombreuses personnes – de plus en plus jeunes- à consulter un chirurgien esthétique afin d’améliorer l’image renvoyée par ces photos. Zoom sans filtres.
Le temps où nous ne croisions notre reflet dans un miroir que deux à trois fois dans une journée est révolu. Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, nous sommes sans cesse confrontés à notre image : photos de profil Facebook, Snapchat, Instagram, LinkedIn, Twitter, photos entre amis, en famille, lors d’une soirée, en vacances… Tout instant doit de nos jours être immortalisé et donné à voir au plus grand nombre. Ces images sont en effet la première impression que nous donnons à nos amis, à nos conquêtes éventuelles et même à nos futurs employeurs. Autant dire que celles-ci doivent être les meilleures possibles. Or, il s’avère que de plus en plus de personnes sont mécontentes de l’image qu’elles renvoient sur les réseaux sociaux et souhaitent pour cela avoir recours à la chirurgie esthétique afin d’améliorer et gommer certains défauts.
Un sujet d’étude sérieux
Ces dernières années, le nombre de personnes qui recourent à la chirurgie esthétique ne cesse d’augmenter, au même titre que l’utilisation des selfies. Des spécialistes américains se sont alors intéressés au phénomène. En 2014, l’American Academy of Facial Plastic and Reconstructive Surgery a alors mené l’enquête auprès de 27 000 chirurgiens et il s’est avéré qu’un chirurgien sur trois a déclaré avoir reçu des demandes d’opérations de la part de patients à la recherche d’un meilleur profil sur la toile. « Les patients arrivent avec des selfies qu’ils montrent au médecin pour expliquer ce qu’ils veulent améliorer » détaille l’étude. Ainsi, entre 2012 et 2013, le nombre de rhinoplasties a augmenté de 10%, les implants de cheveux de 7% et les chirurgies sur les paupières de 6%. Aussi, 58% des chirurgiens ont noté une augmentation du nombre de patients de moins de 30 ans en demande d’une chirurgie plastique ou d’implants. Et la tendance ne semble pas s’essouffler. Entre 2014 et 2015, ces actes de chirurgie esthétique ont augmenté de 20% aux Etats-Unis selon une autre étude, réalisée par the American Society for Aesthetic Surgery.
Outre les rhinoplasties et autres implants, le lifting des mains est également de plus en plus demandé. Une chirurgie saugrenue ? Plutôt essentielle pour certaines femmes. En effet, alors que tout événement spécial est bon à soumettre au regard des autres, dans l’espoir de récolter le plus de likes possible, la demande en mariage est bien entendu l’un de ces moments phares. Dans l’espoir de faire la plus belle photo possible avec leur magnifique bague de fiançailles à leur annulaire, certaines futures mariées optent pour le lifting des mains ! En effet, les mains sont l’une des parties du corps qui reflètent le plus rapidement les signes de l’âge (veines proéminentes, rides). Ainsi, même si cette pratique n’est pas nouvelle, celle-ci a augmenté de 40% ces dernières années, depuis l’avènement des réseaux sociaux et des selfies, explique le Dr Ariel Ostad, dermatologue à New York.
Une image déformée de la réalité
Seulement, si nos selfies ou autres photos du corps ne nous conviennent pas, il faut savoir que celles-ci sont loin de refléter la réalité. En effet, nous sommes nombreuses à avoir fait ce constat. Alors que notre reflet dans le miroir nous paraît assez flatteur, lorsque nous nous prenons en selfie, le résultat est loin d’être le même. Une image déformée que nous devons à l’objectif de nos smartphones qui a un effet grossissant. Une récente étude réalisée par l’association de l’Académie Américaine de Chirurgie Plastique et de Chirurgie Reconstructive a démontré que 55% des chirurgiens interrogés ont déclaré avoir opéré des patients qui voulaient améliorer leur apparence sur les selfies en 2017. Un pourcentage en hausse de 13% par rapport à 2016. Mais ces personnes en ont-elles réellement besoin ? Des chercheurs américains se sont penchés sur la question et ont réussi à prouver, grâce à un savant calcul mathématique, que lorsque nous nous prenons en selfie, notre nez paraît 30% plus gros qu’il ne l’est en réalité. La cause ? Sur des photos prises à courte distance, la perception de la distance entre les deux pommettes est augmentée ce qui donne l’illusion d’avoir un nez plus gros. Pour étayer leur découverte, les chercheurs ont réalisé un test en prenant un homme en photo à 30 centimètres de distance (selfie) et à 1m50. Et le résultat est sans équivoque !
Aussi, de nombreux chirurgiens en sont conscients et refusent catégoriquement d’opérer de jeunes patients. « Je refuse un nombre important de patients qui veulent se faire opérer à cause de selfies qui ne leur plaisent pas parce que je crois que ce n’est pas leur image réelle, ce à quoi ils ressemblent en réalité » explique Dr Sam Rizk, chirurgien esthétique basé à Manhattan, à Reuters. En effet, les jeunes sont souvent très -voire trop- critiques envers eux-mêmes et s’imaginent des défauts qui n’existent pas. Même son de cloche auprès de Dr Harold Lancer, dermatologue connu notamment pour s’occuper de la starlette Kim Kardashian. « Je reçois parfois des jeunes garçons de 12 ans qui viennent me voir pour des problèmes d’acné, qui me disent qu’ils ne veulent pas de comprimés mais qu’ils veulent débuter des programmes de soins anti-âge. Quand je leur demande pourquoi ils veulent ce type de traitement, ils me répondent que c’est parce que leurs copines leur ont dit qu’ils avaient l’air moches sur Snapchat » confie-t-il au Daily Mail. Ainsi, notre image, reflétée par nos selfies et autres photos, est fortement déformée de la réalité. Avant de se lancer les yeux fermés dans une chirurgie qui pourra être regrettée par la suite, il est préférable de faire un travail sur soi et de se poser les bonnes questions afin de prendre du recul. Un phénomène alarmant qui nous prouve que quoi que l’on dise, les standards de beauté dans l’esprit des jeunes sont encore bien présents et certains d’entre eux sont prêts à tout pour répondre à ces critères. Pourtant, la beauté ne réside-t-elle justement pas dans la différence et dans l’authenticité ? A méditer…