Tandis que beaucoup considèrent les nouvelles technologies comme un formidable outil d’apprentissage et d’éducation, d’autres s’en inquiètent. En premier lieu les parents. En effet le nombre de consultations où les parents se montrent préoccupés, le plus souvent à raison, par le temps passé par leurs enfants à jouer sur Internet ne cesse d’augmenter. Mais avant d’aborder la question de l’usage abusif, voire addictif, des jeux vidéo on-line, faisons le point sur les effets réels qu’ils peuvent avoir sur les adolescents. Les jeux vidéo n’ont pas bonne réputation. Mais qu’en est-il réellement ? Sont-ils totalement mauvais pour les adolescents ? Ne peuvent-ils rien leur apporter de positif ?
Tour de la question avec Zineb Lahrichi, psychologue et addictologue.
Comment les jeux vidéo on-line peuvent-ils influencer les adolescents ?
On peut considérer les jeux sur Internet comme la version moderne des jeux vidéo où il n’est plus question de défier «la machine» mais de se confronter à d’autres usagers. Jouer on-line suppose donc en premier lieu, de pouvoir interagir avec d’autres adolescents, retrouver des amis pour jouer et élaborer des stratégies ensemble, ou encore se lancer des défis : qui sera le premier à atteindre les objectifs ? Qui trouvera la bonne manœuvre pour passer au niveau suivant ? Dans ce sens les jeux vidéo sur Internet sont aujourd’hui une forme de communication, d’expression et contribuent ainsi à la socialisation.
D’un autre côté l’ardeur que met un adolescent pour réussir un niveau dans le jeu ou obtenir un bonus par exemple, favorise la persévérance et le pousse à se surpasser. L’adolescent perdra aussi à d’autres occasions, indéniablement, ceci lui permettra d’avoir une meilleure tolérance face à l’échec et lui fera prendre conscience de l’importance du travail acharné et surtout de ne pas baisser les bras quand il n’atteint pas son objectif du premier coup.
De nombreuses études ont démontré que les jeux vidéo peuvent aussi renforcer certaines fonctions cognitives comme la concentration, la mémoire de travail ; l’occasion pour l’adolescent d’apprendre à élaborer des stratégies de raisonnement et de résolution de problèmes et de développer son imagination et sa créativité.
Tant de «bénéfices» qui dépendent avant tout d’un bon usage du jeu et de son contenu. Il faut savoir qu’un usage abusif et des contenus inappropriés des jeux vidéo peuvent induire des effets littéralement inverses.
L’encadrement parental est nécessaire
Il ne s’agit pas d’interdire à l’adolescent l’usage du jeu vidéo pour le protéger : il faut savoir que souvent, la socialisation et l’intégration auxquelles il peut parvenir dans son école par ce biais, sont très importantes pour lui. Il est donc plutôt question d’éduquer, d’encadrer et d’en contrôler l’usage.
Il est du rôle du parent d’informer son enfant sur les dangers d’Internet et des jeux vidéo, de lui apprendre à être vigilant et critique quant à leur contenu, certains peuvent promouvoir des comportements agressifs, le non-respect de l’autorité, ou encore véhiculer des stéréotypes, sans oublier de lui faire prendre conscience de l’importance de la notion de «privacité». Il me parait aussi indispensable d’avoir recours aux nombreuses mesures techniques qui aident à protéger les enfants des contenus inappropriés : pare-feu, logiciels de contrôle parental…
Il est essentiel que parents et ados se mettent d’accord sur des normes d’usage des jeux vidéos, qu’ils en régissent le temps et la fréquence. En psychologie on parle plutôt de «temps d’écran» (incluant télévision, ordinateur, tablettes) qui ne doit pas dépasser au maximum 2 heures quotidiennes. Ce temps dédié à l’écran doit être néanmoins comparé aux autres activités si l’adolescent ne dispose par exemple que de deux heures de temps libre, il ne serait pas raisonnable de les dédier entièrement au jeu en ligne. Les parents ont tout intérêt à inciter leurs enfants à diversifier leurs activités et leurs centres d’intérêt et à leur appendre à répartir leur temps d’une manière équilibrée, et ceci dès leur plus jeune âge.
J’attire l’attention sur le fait que certains parents ont tendance à inciter leurs enfants ou adolescents à se tourner exclusivement vers les jeux dits éducatifs. Enclaver son enfant dans une seule catégorie de jeux peut limiter sa créativité et atrophier sa capacité d’imagination. Il faut savoir aussi qu’en terme d’apprentissage, toutes les catégories de jeux se valent, ou presque; chacun mobilise des aptitudes différentes, certains lui permettront d’enrichir ses connaissances, d’autres à affiner sa coordination visuomotrice, d’autres encore à favoriser le développement du raisonnement inductif ou apprendre à être plus réactif et prendre rapidement des décisions sans se laisser emporter par ses doutes et émotions, etc.
Quand faut-il commencer à s’inquiéter ?
Tous les adolescents utilisateurs de jeux vidéo en ligne n’en ont pas forcément un usage pathologique, il est néanmoins essentiel de rester vigilant quant à l’apparition et surtout la répétition de certains comportements chez son ado, j’en cite quelques-uns :
- Il devient «accro» au jeu vidéo, qui devient son principal, voire unique centre d’intérêt; au point de se désintéresser et renoncer progressivement à d’autres activités qui lui faisaient jusque là plaisir. Jouer on-line semble être devenu la seule activité capable de lui procurer du plaisir.
- L’adolescent se montre irritable, ennuyé ou anxieux quand il n’a pas accès à son jeu et se trouve dans l’impossibilité de contrôler ou de réduire le temps passé à jouer.
- Il désinvestit ses relations sociales dans le réel et s’isole progressivement.
Il est aussi important que les parents observent les effets éventuels des jeux sur l’humeur et le comportement de l’adolescent. Se montre-t-il plus triste ? Ou plus distrait ? Ou plus irritable ?
En conclusion, il faut être conscient que l’addiction est très souvent la conséquence et non pas la cause d’un mal-être. Ce qui nous renvoie encore au même chapitre, celui de la communication entre parents et adolescents.