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Incarcération de son père, inégalités sexuelles, prochain roman… Leïla Slimani dit tout

Dans une interview publiée dans Le Monde de ce lundi 26 mars, Leïla Slimani se dévoile, revenant sur les moments les plus marquants de sa vie.

 

D’entrée, l’écrivaine maroco-française souligne qu’elle ne serait pas arrivée là si son père n’était pas mort quand elle avait 22 ans: «(…) Sa mort m’a désinhibée». Son père était l’ancien président du Crédit Immobilier et hôtelier (CIH), qui a également occupé la fonction de secrétaire d’Etat à l’Economie.

 

 

«Ça a été une longue descente aux enfers»

 

«Il a été mis dehors quand j’avais 13 ans et n’a plus jamais retravaillé. Il s’est retrouvé au cœur d’un scandale de détournement. Ça a été une longue descente aux enfers» se souvient Slimani. Sa mère devait alors faire vivre le foyer, payer les études des enfants, s’occuper de tout: «Elle a beaucoup contribué à mon envie d’indépendance, à mon féminisme». Néanmoins, ces moments difficiles ont aussi eu un côté positif, car ils ont permis à Léïla Slimani de «rencontrer» son père. «Il s’intéressait à notre féminité, on discutait beaucoup. (…) Il m’a transmis l’amour des livres et son intérêt pour la philosophie et la politique», explique-t-elle.

 

Puis est venue l’incarcération d’Othmane Slimani, la soixantaine révolue. Leïla Slimani était alors âgée de 21 ans: «C’était très, très violent. (…) Avec mes sœurs, on était issues d’un milieu bourgeois, très doux, on pensait que ce genre de choses n’arrivait qu’aux autres». Cette expérience a donné à la jeune femme «une forme de lucidité sur le statut social, le succès, l’amitié», qui ne la quitte plus.

 

Le père de Léïla Slimani est mort en sortant de prison, après quatre mois d’incarcération. «Quelques années après, il a été entièrement innocenté, à titre posthume. C’était une erreur judiciaire, il avait servi de bouc émissaire». C’est à la suite de cet événement qu’elle décide de démissionner de son poste de reporter chez un média panafricain important pour se lancer dans l’écriture, une vocation qu’elle avait depuis l’enfance.

 

 

Le déclic

 

Mais les débuts ne sont pas faciles. Après un an de travail, elle produit un «roman de merde» qu’elle envoie à plusieurs maisons d’édition, mais il ne voit jamais le jour. Totalement déprimée et sur le point d’abandonner, la jeune écrivaine peut heureusement compter sur le soutien de sa mère et son mari, qui lui offrent un atelier d’écriture chez Gallimard en 2014. Deux ans et seulement autant de romans plus tard, c’est la consécration: elle décroche le très prestigieux prix Goncourt avec Chanson douce, qui se vendra à 600.000 exemplaires.

 

Les deux premiers romans de Slimani – Dans le jardin de l’ogre et Chanson douce – parlent respectivement d’une nymphomane qui s’autodétruit et d’une nounou qui assassine les enfants qui lui sont confiés. On pourrait donc se demander si elle écrit pour déranger. Sa réponse: «J’écris pour sortir du langage et des rapports humains du quotidien, conditionnés par la peur, le politiquement correct, une certaine morale, plein de choses qui nous inhibent».

 

Son dernier livre Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc (Les Arènes) est une parfaite illustration de cette vision. A ce propos, l’écrivaine explique que depuis plusieurs années, elle était en colère contre l’hypocrisie de la société dans laquelle elle a grandi, et où les autorités théorisent cette espèce de «double jeu» et «institutionnalisent le mensonge». «Quand chaque jour, il y a six cents avortements clandestins, qu’on trouve vingt bébés dans les poubelles, quand des femmes se jettent par la fenêtre au soir de leurs noces, quand des homosexuels sont lynchés dans la rue, dans mon pays, et qu’on fait semblant de rien (sic), c’est insupportable!», dénonce celle qui trouve le mouvement #metoo «extraordinaire».

 

 

«Si ce n’est pas ta sœur, pas ta cousine, c’est une pute»

 

Slimani revient, par ailleurs sur la grande inégalité des sexes au Maroc, qui lui a sauté aux yeux très jeune, en CE2: «on me disait « tu ne peux pas faire ça parce que tu es une fille »».  Ce qui lui a donné envie d’être un garçon, «de faire partie de ceux qui se bagarrent, qui s’imposent». Et à 17 ans, elle vit une expérience marquante sur l’interdiction des relations sexuelles hors mariages au Maroc. Un soir de Nouvel An, alors qu’elle était dans une voiture stationnée avec un ami qui n’était pas son amoureux, un policier s’approche et dit en arabe, comme si elle était invisible: «Si ce n’est pas ta sœur, pas ta cousine, c’est une pute».

 

Enfin, quant à son prochain ouvrage, Slimani révèle qu’elle a deux projets de roman, mais qu’elle ne sait pas lequel sera le prochain. «Jean-Marie (son éditeur, NDLR) a une préférence. Je vais finir par l’écouter. »

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