En soixante-huit éditions du Championnat du monde de Formule 1, seules deux femmes ont pris le départ d’un Grand Prix, la dernière fois date de 1976. Pourquoi, alors qu’elles sont de plus en plus nombreuses dans les paddocks, les femmes ne percent-elles pas au volant?
A quand, donc, une femme au départ d’un Grand Prix, après les Italiennes Maria Teresa de Filippis (trois GP en 1958) et Maria Grazia « Lella » Lombardi (12 GP entre 1974 et 1976, pour un demi-point marqué) ?
Si le nouveau patron de la F1, Chase Carey, estime qu’accueillir une femme pilote est « la bonne chose à faire », aucun nom ne circule depuis l’expérience de la Suissesse Simona de Silvestro, qui a vu son programme de roulage avec Sauber stoppé faute de moyens financiers en 2014.
Les femmes laissées sur le banc de touche?
Si elles ont théoriquement accès à toutes les catégories de la compétition automobile, la Fédération internationale (FIA) ne peut que constater que les femmes sont nettement moins nombreuses, et ce, dès le plus jeune âge. La probabilité de dénicher des talents féminins est donc réduite d’autant.
« Il y a un problème d’intérêt des femmes pour l’automobile », pointe le président de l’instance, Jean Todt. « Peut-être aussi n’ont-elles pas été encouragées à suivre la filière monoplace. »
« Il y a peut-être également un problème de constitution (physique), poursuit-il. Il y a deux secondes (en fait 91/100, ndlr) entre le record du 100m hommes et du 100m dames. Si vous me demandez si une femme est capable de faire ce que font Hamilton, Vettel ou Verstappen, je suis incapable de vous répondre. »
Ceux qui doutent de la capacité des femmes à réussir en F1 posent tous une question: leur masse musculaire, généralement inférieure à celle des hommes, leur permettrait-elle d’encaisser les forces importantes que subisse.
« Nous avons en moyenne 30% de muscles maigres de moins, donc je dois m’entraîner plus dur physiquement, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas être aussi compétitive que les garçons », balaye Tatiana Calderon, 24 ans, pilote de développement pour l’écurie Sauber, engagée par ailleurs en GP3.
Tatiana Calderon
La Colombienne ambitionne d’être la prochaine à piloter dans la catégorie reine, après la Britannique Susie Wolff, qui a roulé en essais pour Williams en 2014 et 2015.
« Susie faisait tout pour que sa forme physique ne soit pas un problème, pour ne pas donner raison à ceux qui défendent cette théorie. Et elle l’a fait, mieux parfois que certains hommes », se souvient Claire Williams, patronne de l’écurie britannique.
Ne dites pas non plus à Michèle Mouton, qui a remporté quatre rallyes au niveau mondial au début des années 1980, que les femmes seraient moins capables de briller au volant. « Conduire, c’est toujours pareil: il faut être le plus en trajectoire. Il n’y a pas 36.000 façons de le faire et c’est la même pour une femme ou un homme. »
Michèle Mouton
« C’est pour ça que je suis absolument contre tout Championnat pour les femmes », comme a pu le proposer notamment l’ancien monarque de la F1 Bernie Ecclestone, ajoute la présidente de la commission Femmes dans le sport automobile de la FIA, qui existe depuis 2009. « Il n’en est pas question », confirme d’ailleurs Jean Todt.
Si la Britannique Divina Galica (1976 et 1978), la Sud-Africaine Desiré Wilson (1980) ou encore l’Italienne Giovanna Amati (1992) n’ont pas marqué les esprits, « il faut avouer que les femmes n’ont jamais eu la possibilité de prétendre être dans les meilleures équipes, avec les meilleures voitures », tempère Todt.
L’Espagnole Maria de Villota, elle, est morte en 2013 des suites d’un accident intervenu lors d’essais pour l’écurie Marussia un an plus tôt.
Outre les doutes sur leurs capacités physiques, les femmes pilotes qui se sont rapprochées de la F1 ont aussi eu à répondre de leur apparence.
A commencer par l’Espagnole Carmen Jorda, pilote de développement chez Lotus (2015) et Renault (2016), dont les détracteurs n’ont cessé d’affirmer qu’elle avait été recrutée plus pour sa beauté que ses qualités au volant.
Carmen Jorda
Dans un univers où les ingénieures, mécaniciennes et directrices d’écurie n’ont pas encore éclipsé les +grid girls+, difficile de se défaire de ce soupçon…
Les femmes pilotes racontent
Responsable d’écurie, pilote, commissaire de course, ingénieure… Les femmes sont aujourd’hui présentes à tous les niveaux en Formule 1 ou à ses portes. Trois d’entre-elles témoignent pour l’AFP.
Claire Williams est devenue en 2013 la deuxième femme, après Monisha Kaltenborn chez Sauber, à diriger une écurie de F1, Williams, fondée par son père. « Pour moi, le genre a très peu d’importance. C’est une question de mérite et de crédibilité. Et le fait que je sois une Williams laisse penser que je ferai toujours mon meilleur pour l’équipe. »
Silvia Bellot, 32 ans, a embrassé la carrière de commissaire de course dans les traces de son père, officiel et directeur d’équipes en rallye. « A 13 ans, j’ai commencé à l’aider », raconte-t-elle. « À 16 ans, j’ai passé l’examen pour être commissaire de piste car c’était le moyen le plus facile d’entrer dans ce milieu. » Elle espère ne pas se heurter à un plafond de verre dans la catégorie reine, où elle officie parfois, même si, « comme partout, plus vous montez dans la hiérarchie, moins il y a de femmes ».
A 27 ans, Monica Cuadrado a « réalisé un rêve » en devenant ingénieure chez le fournisseur de pneumatiques Pirelli. « Vers 16-17 ans, j’allais avec une amie sur les circuits, c’était tout à fait normal ! », raconte cette passionnée, passée par l’industrie automobile. « Quand tu commences, il faut bien sûr prouver que tu es capable, mais c’est la même chose pour les hommes. […] Pour moi, ça a toujours été facile, parfois même plus facile. On est mieux traitées, plus poliment, gentiment. »
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