Vous attendez des jumeaux. Un c’est déjà dur, alors imaginez deux ! Beaucoup de parents paniquent à l’annonce d’une grossesse gémellaire. Une nouvelle qui chamboule leurs repères et déclenchent des inquiétudes. Deux fois plus de biberons et de couches… Mais au-delà du quotidien surchargé et d’équipements matériels à prévoir, l’arrivée de jumeaux intrigue toujours. D’ailleurs, certains stéréotypes ont encore la dent dure. Même si la gémellité existe depuis toujours, ce duo fusionnel, voire parfois exclusif, a fait couler beaucoup d’encre ! Déclenchant un sentiment à la fois enviable et dérangeant. Faut-il les élever comme une seule personne ou forcer l’individualisation ?
Tu es mon autre…
Certaines légendes ont entretenu le mythe du lien excessif voire parfois nuisible que pouvaient avoir les jumeaux. Qu’en est-il dans la réalité ? Apprenez que ce lien indéfectible noué dans le ventre maternel se poursuit tout au long de la vie. Comment ne pas être en symbiose quand on a partagé le même utérus ? Pourtant, hormis ce vécu intra-utérin, c’est surtout durant la petite enfance que tout va se jouer. Inconsciemment, les parents vont entretenir ce comportement fusionnel. Si les jumeaux se voient d’abord semblables, c’est parce qu’on a beaucoup de mal à les différencier. Ce qu’on donne à l’un, on le donne systématiquement à l’autre. Par facilité ou par plaisir, beaucoup de mamans accentuent la ressemblance : vêtements identiques, mêmes jouets, mêmes activités… Comme l’expliquent les psychologues : si les parents entretiennent un réflexe de raisonnement par couple, la sensation de confusion pour les enfants sera la même. Difficile de se construire une personnalité dans ces conditions. L’autre est très tôt perçu comme un double dont on ne peut plus se passer. Le problème, c’est qu’en dépendant l’un de l’autre, les rapports sont souvent liés au principe du dominant/dominé. Généralement, l’un des jumeaux semble prendre le dessus sur l’autre : une situation complexe qui peut avoir des répercussions sur leur vie future. Voilà pourquoi, dès leur jeune âge, il est important de les différencier et de les valoriser de manière équitable.
Drôles de coïncidences
Pas de doute : les jumeaux fascinent. Quand l’un fait une mauvaise chute dans les escaliers, son frère peut ressentir simultanément de fortes douleurs à la cheville. Séparés par des kilomètres, ils peuvent être affectés par les mêmes souffrances, avoir les mêmes envies, vivre des péripéties quasi similaires… Même dans leur communication verbale, ils peuvent être déconcertants. Chez les vrais jumeaux, il n’est pas rare que l’un commence une phrase que l’autre achève selon une logique impeccable. Leur étonnante complémentarité laisse rêveur… « Avec ma sœur jumelle, on n’a jamais eu besoin de se parler pour se comprendre. On se regardait et on savait… » raconte Leila, 29 ans. Savoir ce que pense l’autre sans même dire un mot est une curiosité qui a intrigué nombre de spécialistes. Et même si l’on a souvent prêté des capacités télépathiques aux jumeaux, la science n’a jamais été concluante sur le sujet. Mais les coïncidences existent bel et bien : si l’un développe une maladie héréditaire, il y a de fortes chances pour qu’elle touche le second à peu près au même moment. Idem pour les goûts communs : l’hérédité prédispose à aimer telle saveur ou telle odeur. Pas étonnant, dès lors, qu’ils puissent, sans le savoir, éprouver les mêmes envies.
Dans leur bulle ?
« Quand Inès fait quelque chose, sa sœur Lilia l’imite systématiquement. Et si je punis l’une, l’autre ressent la même souffrance, c’est incroyable ! », souligne Mounia, 34 ans. Logique, les jumeaux forment une solide cellule de défense dans laquelle toute atteinte à l’un des deux entraîne aussitôt une réaction de l’autre. Ils vivent ainsi dans leur bulle. Pour chacun, l’identité gémellaire précède la conscience de soi. Mais cela peut vite devenir handicapant ! En effet, un tiers des jumeaux souffre de retard de langage. Notamment à cause de leur naissance prématurée, mais également du manque de communication avec le monde extérieur. Signe de leur profonde intimité psychique : certains jumeaux développent une sorte de langage secret atypique appelé «cryptophasie», difficilement audible pour l’entourage. Ce jargon mystérieux est souvent à l’origine de retard important dans les études scolaires. Il est essentiel de les aider à sortir de cette bulle gémellaire, car avant d’être jumeaux, chaque enfant a sa propre identité.
Coupez le cordon
On s’en doute, pour les jumeaux, ce comportement fusionnel est un bonheur complet. Tout petits, ils se sentent plus forts à deux et ont la certitude d’être toujours compris par leur alter ego. L’éducation va donc forcément poser problème. Ils sont constamment ensembles, se vouant une profonde empathie, partageant les mêmes désirs, affrontant les mêmes obstacles. Plus qu’un lien, on parle d’ailleurs de «cordon gémellaire» quasiment indestructible. Pourtant, la relation entre jumeaux est loin d’être idyllique ! Le manque d’ouverture vers l’extérieur entraîne une sorte d’étouffement nuisible. Pour leur bien-être, les considérer comme deux personnes différentes est capital même s’il est parfois difficile de les dissocier. Jusqu’à l’âge de deux ans, la fusion est totale. De deux à six ans, s’amorce une phase de complémentarité appuyée par les parents qui commencent à leur attribuer des caractéristiques : l’un est colérique, l’autre plus docile par exemple. La rivalité est souvent visible à cette période-là : on parle même de «frères ennemis». Avec l’entrée à l’école, la socialisation aidant, chacun va se considérer comme un individu à part entière. Cette individualisation leur permet de se construire en tant que personne et non pas seulement en tant que couple. Selon nombre de psychologues, malgré leur ressemblance frappante, l’un n’est pas la moitié de l’autre. à un moment, il est nécessaire de couper le cordon pour se construire sa propre identité en veillant à ne pas se faire de l’ombre. Par exemple : réserver à chaque enfant un espace à lui dans la maison, éviter de mélanger leurs affaires, les mettre dans des classes séparées, les habiller différemment… Mieux vaut les aider à se développer et à vivre des choses différentes. Surtout, ne cherchez pas à les séparer par tous les moyens ! Respectez les étapes de leur développement naturel, sans tomber dans le besoin de « dégémélliser » à tout prix. Car cette séparation est un événement de vie qu’il faut préparer en douceur. En revanche, mieux vaut commencer ce travail assez tôt. Si la fusion gémellaire dure trop longtemps, elle peut entraîner d’importants problèmes sur le plan du développement de la personnalité de l’enfant et de l’adulte.