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Interview: Sofia Benbrahim, la Shoelifer

Quelles sont les origines de cette passion pour la mode ?

Sofia Benbrahim: J’ai toujours été passionnée par la mode. Les femmes de ma famille ont toujours été très élégantes, que ce soit dans le choix de leurs parfums, de leurs vêtements ou de leurs bijoux. Mon goût pour la mode et pour les belles choses a été très influencé par ma grand-mère. Elle a parcouru le monde avec son mari et ses voyages ont fortement influencé son goût très personnel et prononcé. Elle va par exemple oser mixer des couleurs improbables… j’ai beaucoup appris à ses côtés et disons qu’elle m’a décomplexée par rapport aux codes de la mode. C’est grâce à elle que j’ai appris qu’il fallait oser les choses. Il faut avoir un œil.

Quelle est l’origine de l’appellation Shoelifer ?

Sofia Benbrahim: J’étais invitée à un dîner et un ami voulait que je lui envoie une photo de moi, ce qui était hors de question. Je venais d’acheter des chaussures, et je me suis dis, tiens, je vais me moquer un peu de lui (rires). J’ai donc décidé de prendre une photo de mes chaussures dans un cadre rouge et je la lui ai envoyée. C’était le tout premier «selfeet». J’ai trouvé ça amusant, et puis j’ai décidé de le refaire dans les rues de Casablanca. Et à chaque fois que je postais ça sur les réseaux sociaux, les gens commentaient et c’est devenu un jeu. On a commencé à me dire, on ne voit plus que tes pieds (rires). Puis, la sauce a pris et je me suis dis qu’il fallait bien donner un nom à mon projet et Shoelifer est né. Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler sur de nouvelles choses. L’idée c’est de garder cet esprit slow média avec des articles qualitatifs. Le slow media c’est un challenge! On a beaucoup de francophones qui nous lisent. Cela amène son lot d’excitation et son lot d’appréhension.

Qu’est ce qui vous inspire le plus dans les métiers de la mode ?

Sofia Benbrahim: C’est la création et la sincérité dans la création. A mes yeux, c’est le plus important. Je passe ma vie à dénicher de nouveaux talents: créateurs, photographes, mannequins, décorateurs… La mode et les tendances ne concernent pas que les vêtements, mais aussi la décoration, la gastronomie ou l’hôtellerie. Une chose est sûre, les meilleurs projets sont ceux qui sont fait avec beaucoup de sincérité, et les meilleurs créateurs sont ceux qui mettent beaucoup de cœur dans ce qu’ils font. Certains réussissent en étant pas forcément sincères mais ils finissent par se brûler les ailes, parce qu’ils n’ont pas fait assez d’effort pour aller chercher les bons tissus ou l’inspiration. C’est ça la sincérité, c’est de faire les choses dans l’ordre qu’il faut. Les gens qui triment sont ceux qui y arrivent. Il faut beaucoup de travail pour dégager une émotion. L’égo tue la création et beaucoup de personnes se perdent en chemin, malheureusement ! Les gens ne voient pas les coulisses, ils voient le résultat, ce qui est beau. L’univers du luxe est très enjolivé, il doit faire rêver les gens mais ce n’est pas un univers simple fait de strass et de paillettes.

Votre vision de la mode marocaine ?

Sofia Benbrahim: Elle en est au 4ème mois de grossesse (rires). Plus sérieusement, il y a beaucoup de talents au Maroc, mais aussi un gros manque d’organisation. Nous avons un véritable savoir-faire aussi précieux qu’ancestral, mais pas suffisamment d’écoles ni d’aides de l’Etat, et beaucoup de jeunes se retrouvent bridés dans leur créativité. En tant que média, on essaye de parler d’eux mais nous faisons aussi face à des contraintes et nous ne pouvons pas parler de tout le monde. Certains jeunes ont aussi besoin d’être coaché. J’essaye d’œuvrer en coulisse dans ce sens. Je suis impliquée dans un projet depuis 2 ans – le pavillon marocain à Abu Dhabi –dans le cadre duquel je m’occupe du commissariat d’expo de la partie mode. 

Quels sont les fashion faux pas à ne pas faire ?

Sofia Benbrahim: Il n’y a rien de pire qu’une femme qui porte des chaussures abîmées et pas soignées. Les chaussures doivent être entretenues et propres. Mais du moment que tu as une certaine personnalité et que tu assumes ce que tu portes, cela ne me dérange pas. Mais assume ce que tu portes et montre-toi ! L’habit fait le moine et s’il ne fait pas le moine, il fait la personnalité. On sait qui tu es à travers ce que tu portes.

Quel est votre must have ?

Sofia Benbrahim: C’est drôle mais je me suis rendue compte que j’accumulais beaucoup de chose. J’ai une tonne de chapeaux, de gants, de foulards, de bijoux fantaisies, d’éventails… Et je ne m’en rendais même pas compte. Selon moi, il faut avoir dans son dressing un joli sac noir, une jolie paire de stilettos noire et une belle veste noire. Une fois que tu as ces pièces-là, tu peux jouer avec comme tu le souhaites. En fonction des moyens de chacun, mieux vaut économiser de l’argent et s’acheter une bonne pièce intemporelle.

Paris, New York, Milan, Londres… Quelle est votre capitale de la mode préférée ?

Sofia Benbrahim: De très loin Milan ! Ensuite New York, pour ses créateurs et ses ateliers américains et japonais. On ne trouve ça nulle part ailleurs. La mode milanaise est créative, la mode new-yorkaise est très portable. Paris c’est la haute couture et Londres c’est plutôt pour les hommes et son mood.

Quelle est la créatrice ou la personnalité féminine qui vous inspire ?

Sofia Benbrahim: La personnalité que j’aime beaucoup n’est pas issue du milieu de la mode. C’est Misia Sert. Misia était la meilleure amie/ennemie de Coco Chanel. Elles se retrouvaient sur des yachts à Cannes. Misia était une femme belle et exceptionnelle, Chanel ne l’aimait pas parce qu’elle lui volé la vedette. Misia a été la muse de nombreux peintres, poètes, et musiciens du début du XXème siècle, dont Sert, Picasso et Renoir. Elle a un parcours exceptionnel. J’adore l’idée d’avoir plusieurs vies en une, et de s’adapter à tous ces mondes. André Gide disait : «L’intelligence c’est la faculté d’adaptation.» En voilà une preuve! Aujourd’hui un parfum signé Chanel porte son nom et bons nombres de tableaux sont à son effigie. J’adorerais avoir 7 vies. Une vie ne suffit pas.

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