Arts & Culture

Au Maroc, une littérature riche mais peu lue

Riche et singulière, la littérature marocaine fait face à la rareté du lectorat et à un marché du livre qui peine à décoller, alors que le royaume est l’invité d’honneur du 34e salon du Livre à Paris.

 

 

 

« La littérature marocaine a les pouvoirs d’attraction d’un kaléidoscope », résumait l’écrivain et acerbe critique littéraire Salim Jay.

Dans ce « kaléidoscope », « tous les thèmes sont présents, se télescopent, se renforcent », résume pour l’AFP l’auteur Fouad Laroui, prix Goncourt de la nouvelle 2013, qui aime épingler avec humour et tendresse les travers de sa société natale.

 

 

 

 

A Paris, le plus important évènement dédié au livre en France va voir défiler une trentaine d’auteurs marocains, parmi lesquels la désormais incontournable LeïlaSlimani, prix Goncourt pour « Chanson douce » (Gallimard), Tahar Ben Jelloun (ancien lauréat de ce prix et membre de l’académie Goncourt), le grand poète et romancier Abdellatif Laâbi ou encore les nouveaux talents Reda Dalil et Maria Guessous.

 

 

 

Ils ont en commun d’utiliser comme langue d’écriture le français, ce « butin de guerre » selon l’expression de l’emblématique écrivain algérien Yassine Kateb.

Mais la littérature marocaine ne se résume cependant pas à ses auteurs francophones.

 

 

 

Arabe classique, dialectal, berbère… « Le caractère vraiment spécifique de la littérature marocaine est qu’elle s’exprime en plusieurs langues. On dirait que nous n’avons pas vraiment de langue nationale. C’est curieux et unique », se réjouit Fouad Laroui.

 

 

 

Du côté francophone, il y a Ahmed Sefrioui, souvent considéré comme le premier écrivain marocain d’expression française, Driss Chraibi, qui l’a définitivement fait entrer dans la modernité, et Tahar Ben Jelloun qui a largement contribué à son succès.

En arabe, ce sont entre autres Mohamed Choukri, qui a fait scandale avec son picaresque « Pain nu », Mohamed Zafzaf ou encore Mohamed Aziz Lahbabi, premier écrivain arabe à être pressenti pour le prix Nobel de littérature.

Et il y a quelques auteurs expérimentant l’écriture en darija, l’arabe dialectal marocain, comme Youssouf Amine Elalamy et Mohamed Berrada.

 

 

 

 

Trois générations

« Dans la littérature marocaine de langue française, (…) l’expression n’est pas forcément française », remarque pour l’AFP Jean Zaganiaris, sociologue et écrivain français établi au Maroc.

 

 

 

Les auteurs marocains « combinent dans leur tête le français, l’arabe dialectal ou l’amazigh (berbère, ndlr). Et ils jouent avec cela », décrypte-t-il.

Relativement récente, la production littéraire marocaine est passée par plusieurs phases, depuis ses débuts il y a moins d’un siècle.

 

 

 

La première génération d’auteurs « se demandait quelle voie le Maroc devait prendre après la fin du protectorat », raconte Fouad Laroui. « Qui étions-nous, au fond? »

La deuxième génération, regroupée autour de la revue contestataire Souffles, s’est impliquée dans le combat politique et social durant les années de plomb et la répression menée par le roi Hassan II.

 

 

 

« Une troisième génération, celle des années 1980, s’est intéressée à des thèmes plus spécifiques. Il y a eu une littérature féminine, de l’individu, carcérale… », toujours selon M. Laroui.

Mais la littérature marocaine a un double problème: un lectorat très limité et un marché du livre qui ne suit pas, avec à peine 3.000 titres publiés par an.

 

 

 

 

Dans ce pays où l’on voit rarement les gens lire dans les transports en commun ou les terrasses de café, près des deux tiers des Marocains n’ont acheté aucun livre en un an, selon une enquête de l’association locale Racines.

« Un livre qui s’est très bien vendu au Maroc, c’est 2.000 à 3.000 exemplaires », fait savoir M. Zaganiaris, selon qui il existe un problème de distribution, mais aussi de promotion des lieux culturels.

 

 

 

 

« Si les Marocains ne lisent pas, c’est parce qu’il n’y a pas suffisamment de librairies dans le pays (…) ou de bibliothèques dans les écoles », abonde l’éditeur Abdelkader Retnani, qui regrette aussi l’absence cette semaine à Paris de certains de « nos excellents sociologues, anthropologues et universitaires ».

En janvier, des auteurs et éditeurs marocains avaient critiqué le caractère « antidémocratique »de la sélection du ministère de la Culture pour le salon du Livre.

 

 

 

 

Mais ce salon reste « une occasion de montrer que nous avons du talent », se réjouit M. Retnani.

Auteurs et éditeurs marocains « vont avoir une grande visibilité pendant quelques jours. À eux d’en profiter! », conclut Fouad Laroui.

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