Après l’amorçage du déconfinement, le Maroc a entamé une première étape cruciale et sensible de ce processus qui peut prendre plusieurs semaines et diverses tournures. Pour comprendre les différentes phases de cet assouplissement des restrictions, la MAP a approché Majida Zahraoui, professeure en médecine interne, pathologies infectieuses et en médecine tropicale ainsi que présidente du Collègue des internistes du Maroc, pour présenter son point de vue.
1. Quels sont les critères sanitaires et scientifiques adoptés pour établir cette classification de Zone I et Zone II ?
Cette sectorisation en zone I et II est le fruit d’une réflexion basée sur l’analyse de l’expérience des pays qui nous ont déjà précédés en particulier les pays asiatiques (…) C’est aussi le résultat de spéculations de modélisations mathématique qui ont été prises en compte. Cette sectorisation est l’œuvre conjuguée de plusieurs secteurs et ministères.
Vers fin juillet, on aura 25.000 cas positifs de plus dans le pire scénario et auxquels il faut ajouter les cas déjà diagnostiqués. A partir de là, la décision de sectoriser en zones va dépendre du taux de reproduction dans la région le fameux R0 qui doit être inférieur à 0.7, du nombre des cas actifs par 100.000 habitants par semaine (il doit être à moins de 5 cas actifs pour 100.000 habitants).
Cela dépend également du taux de létalité de la région qui doit être inférieur de 3,6% et il faut tenir compte de la capacité minimale en réanimation dans la région mais également d’un certain nombre d’autres critères dont l’adaptation du système de santé.
Le Maroc s’est basé sur la modélisation mais il escompte avoir à peu près 1.975.000 tests d’ici fin juillet. Toutefois, s’il y a lieu on pourra reconfiner selon une stratégie sectorielle comme c’est le cas actuellement dans d’autres pays.
2. En tant que spécialiste des maladies infectieuses, comment réussir la levée du confinement ?
Au plan sanitaire, la réussite du déconfinement est totalement tributaire de la discipline de la population. Il faut absolument se tenir aux gestes barrières et mesures de protection.
La grande question qui se pose est si les citoyens vont s’y tenir.
Des comportements irresponsables ont été constatés comme ne pas porter de masques ainsi que des réunions de groupe. Même en période de confinement, ces réunions de groupe ont fini en clusters familiaux ou professionnels. On connaît relativement bien la cinétique du virus dans notre pays. Il faut que les gens respectent les gestes barrières pour que la population générale s’immunise.
Cependant, il faut faire attention à un déconfinement anarchique : si on déconfine, il faut que l’on soit capable de tester, tracer et traiter. Le Maroc a veillé à ce que tous les citoyens testés positifs disposent d’une prise en charge en milieu hospitalier.
3. Risque-t-on de revenir en arrière ? Le virus pourra-t-il être plus virulent ?
On ne sait pas s’il y aura une deuxième vague, mais il faut éventuellement s’y préparer. On ne va pas attendre pour qu’elle survienne pour se remobiliser, il faudrait être prêt à toutes les éventualités et aux scénarios les plus sombres.
Plusieurs hypothèses sont possibles dont celle que le virus pourrait ne jamais disparaître. Dès que ce virus s’est réparti de façon étendue au sein de la population, la virulence baisse parce que l’objectif d’un virus c’est avant tout de survivre et non pas de décimer la population.
4. Comment renforcer la riposte du Royaume face au Covid-19 ?
Jusqu’à présent les mesures entreprises par le Maroc ont été exemplaires et c’est le citoyen qui va aider à respecter les gestes barrières et le traçage qui n’est pas accepté par tout le monde.
L’objectif est de pouvoir répertorier les personnes qui sont éventuellement des cas possibles et pouvoir les dépister pour les traiter.
5. A votre avis, quelles leçons doit-on tirer de cette pandémie ?
Plusieurs leçons sont à tirer de cette situation pandémique, notamment garder les réflexes de protection et préserver ce changement de comportement en matière d’hygiène.
Le Maroc a vite pris ses décisions en matière de lutte anti-Civid et tranché sans la moindre tergiversation.