Elle est née dans le Rif, a grandi à Paris. Ouidad Elma est une franco-marocaine au caractère bien trempé. Enfant timide, l’actrice a appris à libérer sa parole en pratiquant le théâtre. Elle s’est ensuite lancée sur le petit écran d’abord, puis sur le grand écran. Celle qui entre dans la peau de Yusra, une jeune femme yéménite qui travaille au sein d’une caserne militaire, a adoré son rôle dans la série The Last Post diffusée sur la BBC depuis le 1er octobre 2017. Qui est Ouidad Elma? Quel est son parcours? Interview.
Plurielle: Pouvez-vous nous parler un peu de vous ? Parcours, âge, ce qui vous a poussé à devenir actrice?
Ouidad Elma: J’ai eu un parcours classique. Plus petite j’étais extrêmement timide et dyslexique avant de rejoindre une troupe de théâtre. Le théâtre m’a beaucoup aidée, je me sentais vivante à travers les histoires que je jouais. Mais quand il fallait parler de moi, je redevenais silencieuse. Jouer m’a beaucoup libéré. Je suis bilingue, ma mère ne parlait qu’en arabe à la maison et mon père seulement en français. Je parlais à mon père français, et avec ma mère en darija. C’était comme ça à la maison. C’était assez drôle d’ailleurs.
Comment avez-vous décroché votre premier rôle?
Quand j’étais au lycée, je faisais du théâtre. J’ai rencontré un agent, qui m’a fait passer des castings et c’est ainsi que j’ai décroché mon premier rôle pour un téléfilm français « Sa raison d’être ». Lors de ce tournage, j’ai joué aux côtés de la belle Nozha Khouadra (excellente actrice) qui jouait ma maman, Nicolas Briançon (brillant acteur et metteur en scène) et Berenice Beijo.
C’était en hiver, nous tournions dans une grande maison, je voyais tout ce grand bazar organisé pour installer une scène, la lumière, le son, et puis action! J’ai tout de suite senti que c’était ce que je voulais faire.
Puis je suis allée vivre au Maroc, j’y ai tourné quelques longs métrages (L’amante du rif, Love in the médina, Zéro). Ça m’a beaucoup amusé de jouer dans ma langue maternelle, et surtout cela m’a renforcé. Au Maroc, les productions ne passent pas par l’agent, nous sommes obligés de négocier directement. Les artistes ne sont pas assez protégés au Maroc. Il faut se battre pour tout. Ça m’a beaucoup fatiguée.
Je suis revenue en France. J’ai contacté un nouvel agent et nous avons continué à passer des castings. Et j’en ai passé beaucoup des casting avant d’être sélectionnée. C’est comme ça, il faut persévérer, et surtout considérer le casting comme une performance que l’on offre et non pas comme un jugement.
Vous avez joué pour des productions françaises, marocaines mais également britanniques avec The Last Post, pouvez-vous nous parler de cette série diffusée en six épisodes à partir du dimanche 1er octobre ?
C’est une série produite par Bonafide Films et The Forge Entertainment, pour la BBC One, réalisé par Jonny Campbell (3 premiers épisodes) puis par Miranda Bowen. Elle est diffusée tous les dimanches à 21h en prime time sur la chaîne. Peter Moffat est le scénariste de la série – qui s’est vu décerner le prix Bafta pour le Meilleur scénariste en 2009 – il a écrit une intrigue durant la colonisation au Yémen.
The Last Post, évoque l’un des derniers bastions militaires et la fin de l’Empire britannique au milieu des années 60 à Aden. Un de ces conflits presque oublié que l’on suit à travers le regard des femmes de soldats.
L’histoire de déroule pendant le processus d’indépendance, quand les combattants du FLN se battaient contre les Britanniques. C’est une période importante dans le monde arabe, quand le président égyptien (Nasser) était considéré comme un leader pour tous les pays arabes et qu’il créa le concept de panarabisme.
Le casting est super, je suis très reconnaissante d’avoir travaillé avec des talents tels que: Jessica Raine, Ben Miles, Stephen Campbell Moore, Jessie Buckley , Jeremy Neumark Jones Tom Glynn Carney, Amanda Drew, Chris Reilly,Louis Greatorex, Aymen Hamdouchi, Kevin Sutton…
Quel est le rôle que vous camper ? Pouvez-vous nous décrire votre personnage ?
J’ai adoré jouer Yusra, elle est très forte et touchante. Je la trouve très courageuse. Elle travaille au sein de cette caserne militaire et elle s’occupe de George, le fils du Général Harry Markham (joué par Ben Miles que l’on a pu voir dans The Crown ou encore Vendetta).
Yusra est attirée par un jeune soldat, Tony Armstrong (joué par Tom Glynn-Carney). Mon personnage est pris entre loyauté envers son pays, qui mène une lutte de libération contre le colonialisme britannique, et son amour interdit pour un jeune soldat britannique.
Je me suis surtout focalisée sur le contexte historique, les idéaux de l’époque du monde arabe, l’éveil de liberté et le besoin d’indépendance. Les histoires d’amours qui ont existé entre les camps opposés et ennemis. J’ai lu beaucoup de lettres d’archives par exemple pendant la guerre du Vietnam entre soldats américains et femmes vietnamiennes, J’ai fait beaucoup de recherches aussi sur la situation du Yemen actuellement. C’est désastreux! Entre la famine, la malnutrition et la guerre incessante, des millions d’enfants sont livrés à eux-mêmes et personne n’en parle vraiment. Cela dure depuis des décennies. Je trouve cela très grave.
Vous avez joué dans plusieurs drames aussi bien marocains que français ? Avez-vous une préférence pour ce genre ? Si oui, pourquoi ?
J’aime énormément les drames, je m’amuse avec le temps, la respiration, les intentions, ça dépend de l’histoire mais j’aime parler de choses qui vous bouleversent et qui vous apportent une autre vision sur soi, sur le monde. Je suis toujours nouvelle après avoir joué et travaillé sur un drame. Cela me transforme.
Etant née au Maroc et ayant grandi en France, vous avez une double culture ? Celle-ci est elle une force pour vous, ou plutôt une faiblesse ?
C’est une énorme richesse. Et comme toute richesse, tu te dois de la partager. Je suis extrêmement chanceuse d’avoir cette double vision, Africaine et Européenne, dans ma vie et dans mon travail.
Pouvez-vous revenir sur vos débuts en tant qu’actrice ? Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?
Le manque d’imagination des scripts. C’est fou, en France ou au Maroc, les rôles pour les jeunes femmes sont souvent au choix, des victimes, ou sont trop sexualisés. J’ai dit stop, je me suis dit que je ne voulais plus cautionner ce genre de bêtises écrites par des phallocrates. Tu choisis ton clan, tu ne peux pas servir la cause féminine si tu ne commences pas à être éveillée sur tes choix. Je pensais travailler moins, au contraire (sourire).
Avec quel réalisateur avez-vous aimé le plus travailler ?
Oh lala! Je ne peux pas dire (rires), ils ont tous été très différents. Et je ai les tous beaucoup appréciés, car à chaque fois j’ai beaucoup appris. J’ai adoré Jonny Campbell et Miranda Bowen sur The Last Post… Ils ont vraiment été adorables avec moi.
Pouvons-nous dire que vous êtes une actrice engagée ?
En tout cas que je m’engage corps et âme sur les projets. Alors oui, et j’aime travailler consciencieusement.
Quels sont vos projets à venir ?
Je débute le tournage du film « Amin » de Phillipe Faucon, à Paris avec Emmanuelle Devos. Je vais également participer à la comédie Petites Sœurs réalisée par Saphia Azzeddine et François Régis Jeanne qui sortira en juin 2018.