Un inextricable imbroglio administratif: c’est ce à quoi est confrontée Elin McCready depuis que cette Américaine transgenre, qui vit à Tokyo, tente de faire reconnaître son nouvel état civil au Japon, où le mariage homosexuel n’est pas autorisé.
Enregistrer son identité féminine sur sa carte de résidente permanente au Japon a d’abord semblé facile. Les fonctionnaires n’ont pas tiqué quand elle a présenté son nouveau passeport américain. C’est après que les choses se sont gâtées, car les modifications apportées aux cartes de séjour doivent également être enregistrées auprès des autorités locales, en l’occurrence une mairie d’arrondissement de Tokyo.
Et là, problème: le fait de devenir femme avait aussi pour conséquence pour Elin de la faire devenir épouse d’une autre femme, celle avec laquelle elle s’était mariée il y a 19 ans.
Lorsque les responsables locaux se sont rendu compte du « hic », que Mme McCready était mariée à une autre Mme McCready, le processus a été interrompu. Un cas comme ça, la machine bureaucratique japonaise ne le prévoit pas et ne l’accepte pas, parce que c’est contraire à la loi qui n’autorise pas le mariage homosexuel.
« Nous sommes mariés depuis presque 20 ans déjà, notre mariage est dans les règles, il est légal. Mais c’est devenu un mariage entre deux personnes de même sexe et c’est donc un problème pour eux« , explique Elin McCready. « Ils ont envoyé le dossier à la municipalité de Tokyo, laquelle n’a pas non plus voulu prendre de décision et l’a envoyé au gouvernement national. Notre cas est étudié en commission depuis plus de trois mois« , ajoute cette femme de 45 ans, professeure de linguistique à l’Université Aoyama Gakuin de Tokyo.
« Les options envisageables pour le gouvernement japonais à l’heure actuelle sont soit de dire: d’accord, nous permettons votre mariage, ce qui reviendrait à créer un précédent pour le mariage entre personnes de même sexe, soit dire: non, nous ne permettons pas votre mariage. Et dans ce cas, ils doivent annuler unilatéralement l’enregistrement de notre mariage sans notre consentement« , résume Elin. « Il n’est pas certain non plus qu’ils aient même la possibilité légale de le faire« , précise-t-elle.
Dilemme administratif
Contacté par l’AFP, un responsable du registre des résidents étrangers du ministère des Affaires intérieures indique que « les autorités continuent de discuter de ce cas, en sollicitant les ministères concernés », mais sans livrer de détails sur l’avancée du débat.
Elin est la première personne à avoir présenté aux autorités japonaises un tel dilemme, dû au fait qu’elle est étrangère et a changé de sexe hors du Japon. La loi japonaise, elle, précise qu’une personne transgenre ne peut modifier son état civil que si elle remplit certaines conditions, dont celles d’être célibataire, de ne pas avoir d’enfant mineur et de ne pas avoir la capacité de procréer.
Une décision de la Cour suprême a récemment confirmé ces conditions, qui peuvent obliger les personnes transgenres à subir une stérilisation afin de changer leurs documents.
Elin McCready, en tant que résidente permanente au Japon, ne court pas le risque de l’expulsion même au cas où son union maritale serait annulée. Elle veut néanmoins se battre car ce combat peut profiter à d’autres.