Des militantes féministes ont condamné lundi un arrêt de la Cour de cassation marocaine invalidant la reconnaissance de la filiation d’une enfant née hors mariage, après un jugement « sans précédent » en première instance qui établissait la paternité.
Le tribunal de première instance de Tanger avait rendu en 2017 un jugement reconnaissant à un homme la paternité d’une fille née hors mariage, sur la base de tests ADN fournis par la mère, une première au Maroc qualifiée à l’époque de « révolution juridique ». Le jugement avait été invalidé en appel la même année, avant que la mère ne saisisse la Cour de cassation, qui l’a déboutée en septembre 2020. « Ce n’est pas la première fois qu’une telle décision est actée. À plusieurs reprises, la reconnaissance de la paternité a été rejetée par la justice alors qu’un test ADN prouve le contraire », a regretté lundi auprès de l’AFP Aicha Chenna, militante pour les droits des mères célibataires. « La décision de la Cour de cassation est inconstitutionnelle », a estimé Amina Lotfi, militante pour les droits des femmes, car « la Constitution prône l’intérêt suprême des enfants, abstraction faite de leur situation familiale ».
Le combat pour reconnaître les enfants nés hors mariage
Au Maroc, les enfants nés hors mariage sont considérés comme « illégitimes » par la loi. Le père de l’enfant avait été condamné en première instance à verser à la mère une indemnité de 100.000 dirhams. La reconnaissance de paternité ne donnait toutefois pas à l’enfant accès aux droits liés à la filiation, tels que l’héritage. Faisant fi du test ADN, la Cour de cassation s’est basée sur un article du Code de la famille disposant que « la filiation illégitime ne produit aucun des effets de la filiation légitime vis-à-vis du père » et sur l’avis émis il y a 10 siècles par un juriste en droit islamique.
Les associations féministes luttent depuis longtemps pour la reconnaissance des enfants nés hors mariages, privés de leurs droits élémentaires vis-à-vis des pères biologiques. En 2004, le Maroc a adopté un Code de la famille portant des réformes majeures pour les droits des femmes mais des dispositions du texte suscitent encore les critiques des militantes féministes, notamment en matière de responsabilité parentale envers les enfants nés hors mariage.