Pilule, préservatif, stérilet, implant contraceptif… les moyens contraceptifs au Maroc ne manquent pas. Néanmoins, la pilule de contraception d’urgence est méconnue dans le royaume alors qu’elle pourrait éviter les grossesses non désirées et l’avortement clandestin. A quoi sert la pilule du lendemain? Comment fonctionne-t-elle? Quel pourrait être son impact sur le nombre d’avortements illégaux? Le professeur Chafik Chraibi, gynécologue obstétricien et président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC) a répondu à nos questions. Entretien.
Plurielle: Pouvez-vous nous expliquer qu’est-ce que la contraception d’urgence?
Pr. Chraibi: La contraception d’urgence est une méthode contraceptive de rattrapage. Elle consiste en la prise d’un comprimé, le plus rapidement possible, après un rapport sexuel, non protégé et supposé fécondant. Il en existe deux types en vente libre en pharmacie : la pilule Norlevo et la pilule Elaone.
A quel moment peut-on utiliser la contraception d’urgence et comment fonctionne-t-elle?
Cette forme de contraception doit être utilisée en cas de rapport sexuel non-protégé. Par cela, je parle de rapport sexuel imprévu, situation de viol, déchirure du préservatif, oubli de pilule plus de 12 à 24h, ou encore lors de rapports sexuels très occasionnels. La pilule agit essentiellement en bloquant instantanément l’ovulation tant que celle-ci n’a pas encore eu lieu. En revanche, si l’ovulation a déjà eu lieu elle peut agir par d’autres mécanismes mais son efficacité devient plus faible. Mais quoi qu’il arrive cette pilule n’est pas abortive.
Aucune contraception n’est efficace à 100%. Quel est le taux d’efficacité de cette pilule?
Tout dépend de quelle pilule il s’agit. Pour le Norlevo elle est de 97.3% tandis que pour l’Elaone elle est de 99.1%. On note donc que cette dernière est trois fois plus efficace que la première. Il est à noter aussi que la pilule est d’autant plus efficace si le comprimé est pris aussitôt après le rapport. Mais si la pilule n’est pas disponible immédiatement, la Norlevo peut être utilisée 3 jours après, tandis l’Elaone peut être prise jusqu’à cinq jours après le rapport non protégé.
La pilule du lendemain reste un médicament. Y a-t-il des contre-indications? Quels sont les effets secondaires?
Si elle est prise de façon ponctuelle il n’y a pratiquement pas de contre-indication en dehors d’un cancer du sein ou une thrombophlébite évolutive. Néanmoins sa prise répétitive -ce qui n’est pas recommandé- la rend contre indiquée dans toutes les situations où une pilule contraceptive normale est déconseillée. En cas d’allaitement, il suffit d’arrêter l’allaitement et d’utiliser un tire-lait pendant huit jours. Quelques nausées, vomissement, migraines, spotting et parfois un léger retard de règle, peuvent être des effets secondaires. Toutefois si le retard de menstruations dépasse huit jours il faudra impérativement consulter et faire un test de grossesse. Mais attention! Il n’est pas conseillé de la prendre de façon répétitive car la dose importante d’hormone qu’elle contient peut être nocive pour la santé.
Mise en vente dans les pharmacies depuis 2010, alors que Yasmina Badou était Ministre de la Santé, la pilule du lendemain n’est pas ancrée dans les habitudes des Marocaines. Mais comment est-ce possible de rendre cette méthode de rattrapage plus populaire ?
Par la sensibilisation et l’éducation. Ainsi qu’en demandant à toute femme d’avoir dans son sac un comprimé afin qu’elle puisse le prendre au plus vite au cas où un accident arrive. Un autre moyen de sensibilisation serait d’ouvrir un dialogue et que l’utilisation de ce type de contraception ne soit plus tabou.
L’objectif de cette pilule est bien de réduire le nombre de grossesses non-désirées et par là le nombre d’avortements encore trop élevé chez nous et leurs conséquences désastreuses.
Selon une enquête de l’Association marocaine de planification familiale (AMPF) publiée en 2016, entre 50.000 à 80.000 cas d’avortements clandestins ont lieu chaque année, soit une moyenne de 200 avortements par jour. Toujours selon cette l’étude, ces avortements seraient responsables d’environ 4,2% des cas de décès maternels et de 5,5% de décès suite aux complications post-accouchement.