L’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh, célèbre militante des droits humains qui purge une peine de prison de cinq ans, a été condamnée à dix années d’emprisonnement supplémentaires et 148 coups de fouet, a-t-on appris mardi auprès de son mari, Reza Khandan.
Elle a été condamnée à dix ans pour « incitation à la débauche », a indiqué M. Khandan à l’AFP.
Il a précisé que son épouse était poursuivie pour sept chefs d’accusation et qu’elle a été condamnée au total à 33 années de prison.
Selon M. Khandan, « seule la peine [d’emprisonnement] la plus longue s’applique », en l’occurrence celle pour « incitation à la débauche ».
A cela s’ajoute selon lui une condamnation à 148 coups de fouet liée notamment au fait que Mme Sotoudeh s’était présentée au tribunal par le passé sans le voile islamique obligatoire pour les femmes dans l’espace public.
La militante avait appris après son emprisonnement en juin 2018 qu’elle avait été condamnée à cinq ans de prison pour espionnage, selon un de ses avocats.
Mardi, M. Khandan a indiqué que son épouse, âgée de 55 ans, s’était vu notifier ses nouvelles condamnations en prison.
Selon Mohammad Moghimi, un de ses avocats, Mme Sotoudeh a décidé de ne pas se faire représenter au tribunal, estimant que les conditions d' »un procès équitable » n’étaient pas réunies.
L’affaire en cours inclut selon M. Khandan des poursuites pour « conspiration » et « propagande contre le système » politique de la République islamique, appartenance à une organisation de défense des droits humains interdite, participation à une campagne pour l’abolition progressive de la peine de mort en Iran ou encore « atteinte à l’ordre public ».
« Injustice scandaleuse »
Lundi, l’agence Isna avait cité un juge du tribunal révolutionnaire de Téhéran selon qui Mme Sotoudeh avait été condamnée à un total de sept années de prison pour conspiration contre le système et « pour avoir insulté le guide » suprême iranien.
Interrogé, M. Khandan a déclaré ne pas savoir à quoi le juge faisait référence, son épouse n’étant pas, à sa connaissance, poursuivie pour insulte à l’ayatollah Ali Khamenei.
Récompensée en 2012 du Prix Sakharov décerné par le Parlement européen, Mme Sotoudeh a passé trois ans en prison (2010-2013) après avoir défendu des opposants arrêtés lors de manifestations en 2009.
Elle a aussi défendu plusieurs femmes arrêtées entre décembre 2017 et janvier 2018 pour avoir enlevé leur foulard en public afin de protester contre l’obligation faite aux femmes de porter le voile dans l’espace public.
Le rapporteur spécial sur la situation des droits humains en Iran, Javaid Rehman, a fait état mardi d’une « inquiétude grandissante » sur le fait que « l’espace civil pour les avocats et défenseurs des droits humains est en train d’être réduit ».
« J’appelle le gouvernement à relâcher immédiatement tous les avocats emprisonnés pour avoir exercé leur métier de façon pacifique », a-t-il dit à des journalistes à Genève.
L’ONG Amnesty International a qualifié « d’injustice scandaleuse » la nouvelle condamnation de Mme Sotoudeh, que les autorités iraniennes « punissent pour son action en faveur des droits humains ».
« Nasrin Sotoudeh doit être libérée immédiatement et sans condition », ajoute Amnesty dans un communiqué.
Les Etats-Unis, qui ont fait de l’Iran leur principale bête noire au Moyen-Orient, ont condamné « avec la plus grande fermeté » cette décision de justice « qui va au-delà de la barbarie ».
Voyant dans ce nouveau verdict une « évolution inquiétante », l’Union européenne a elle dit attendre « un réexamen immédiat de [cette] condamnation ».
En France, le porte-parole du Quai d’Orsay a rappelé dans un communiqué que Mme Sotoudeh avait été associée récemment par le président Emmanuel Macron « au Conseil consultatif pour l’égalité femmes-hommes du G7 ».
Paris « réitère son attachement à la liberté d’opinion et d’expression et au droit de chacun à un procès équitable », ajoute le texte, qui « appelle l’Iran à respecter ses engagements internationaux en la matière ».