A l’époque de l’empire abbasside, le peuple arabe parlait et pensait ouvertement le sexe, explique Aurélie Salvaire, fondatrice du site shiftbalance.org. Pour preuve, l’on trouve encore des livres comme l' »Encyclopedia of pleasure » d’Ali ibn Nasr al Katib, qui traite de l’orgasme féminin.
Face à l’Occident
L’intervention de l’Occident, puritain à l’époque, dans l’histoire des pays arabes n’est pas anodine. A titre d’exemple, les différentes occupations françaises au Maroc, en Algérie, ou encore en Egypte, ont soulevé des mouvements de contestation. Hassan el Banna a créé en 1920 l’organisation des Frères musulmans en Egypte. Vu comme un mouvement d’engagement et de protection, le groupe prend de l’ampleur et impose certaines pratiques telles que le fait de voiler sa femme. Une décision qui faisait bien rire les classes politiques de l’époque.
Moins d’un demi-siècle plus tard, l’estime de soi des arabes aurait largement baissé, se transformant en un sentiment d’infériorité face à l’occupant. Le repli les a menés à se chercher et se soumettre à un système patriarcal. En tant que chef de famille, le père se doit de contrôler ses enfants, et l’une des manières d’y parvenir est de réduire leur désir sexuel. « Les forces rebelles seront paralysées, la curiosité sexuelle inhibée et la faculté de pensée critique réprimée », explique William Reich dans « La révolution sexuelle ».
L’arme infaillible de la dictature
La soumission se développe et sert les Frères musulmans. Ces derniers, qui n’ont pas réussi au pouvoir, se cachent derrière l’hypersexualité et le puritanisme religieux. Une façon d’échapper à leurs responsabilités et cacher leurs échecs, à en croire les dires de l’écrivain tunisien Abdelwahab Bouhdiba, dans « Sexualité dans l’Islam ». La misère sexuelle s’installe et les jeunes générations s’y engouffrent de plus en plus.
Le réveil d’une génération
La responsabilité financière et sociale du « père de famille », crée une anxiété chez les jeunes, qui décident de se marier de plus en plus tard. Certains, allant à l’encontre des lois qui interdisent les relations hors mariage, affichent sur les réseaux sociaux leur amour. De nombreux scandales tels que le baiser des jeunes adolescents de Nador, qui ont été par la suite arrêtés, réveillent une société en quête d’identité sexuelle. Autres mouvements, ceux des féministes qui remettent en cause la hiérarchie ancestrale patriarcale, ou encore les associations contre les violences sexuelles. La femme n’est pas la seule victime de la diabolisation de la sexualité. L’homme peut tout autant se sentir pris au piège dans une société où toute la pression retombe sur ses épaules. Encore aujourd’hui, l’impuissance chez l’homme est toujours perçue comme honteuse dans les pays arabes.
Préservatifs, pilule, avortement…
Grande bataille du gynécologue Chafik Chraïbi, l’avortement clandestin persiste et augmente dans la région MENA. 1,7 million d’avortements clandestins ont lieu chaque année dans cette partie du monde. Patients et médecins encourent encore des peines d’emprisonnement pour toute intervention de ce type. Les femmes qui décident tout de même de garder l’enfant conçu hors mariage, souffrent du regard de la société, qui les compare à des prostituées et qualifie leurs enfants de bâtards.
Au Maroc, la lutte contre le VIH est assez révolutionnaire, en comparaison à la communication réalisée autour du sujet dans les autres pays arabes. L’achat de la pilule contraceptive, plus accessible, n’en est pas moins mal perçu. Les préservatifs peuvent, quant à eux, être achetés via des distributeurs dans la rue ou ouvertement en pharmacie et dans les grandes surfaces. Et pourtant… les tabous demeurent. Il suffit de voir la réaction virulente face au film « Much Loved » de Nabil Ayouch. La prostitution, présente dans le royaume comme partout ailleurs, est tout de même non assumée sur la scène internationale. Il en va de même pour l’homosexualité qui connaît des jours sombres au Maroc ces derniers temps.