Le 10 mars, Tunisiennes et Tunisiens sont descendus dans la rue pour réclamer la parité en matière de succession. Dans un pays où les mentalités évoluent, une femme n’hérite toujours que d’une demi-part par rapport à un homme. Une inégalité liée à la loi islamique, qui régit de nombreux autres pays où le patriarcat est roi.
Plus de 2000 personnes, soutenues par plus de 70 associations, ont défilé dans les rues de Tunis, samedi 10 mars, pour demander l’égalité en matière d’héritage. La loi du pays, basée sur des préceptes du Coran, favorise les hommes, qui héritent quasi-systématiquement du double de ce qui est légué aux femmes. Cette discrimination est basée sur des pratiques coutumières et religieuses, selon lesquelles l’homme est le seul responsable des dépenses de la maison. Des allégations totalement archaïques aujourd’hui, puisque les femmes représentent un quart de la population active en Tunisie et participent en cela à la constitution du patrimoine.
Afin d’ajuster la loi tunisienne à la réalité, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, avait annoncé en août 2017 son souhait d’aboutir à une égalité homme-femme dans tous les domaines. Pour ce faire, il avait créé une commission de l’égalité et des libertés individuelles chargée de réfléchir à une réforme. Si la question de l’héritage y est prédominante, la garde des enfants, le droit d’époux étrangers et la dépénalisation de l’homosexualité y sont aussi interrogés. Le rapport de la Commission, qui devait être rendu en février, ne le sera finalement pas avant juin.
Pour les féministes tunisiennes, débattre de l’égalité successorale est déjà un grand pas en avant dans un pays où seulement 47% des habitants sont favorables à une loi pour l’égalité de l’héritage entre l’homme et la femme. La Tunisie n’est toutefois pas le seul pays concerné par cette discrimination.
Et ailleurs ?
De nombreux textes internationaux, tels que la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou la Charte africaine des droits de l’homme, rappellent que hommes et femmes doivent bénéficier des mêmes droits en matière d’héritage. Toutefois en 2012, selon le centre de développement de l’OCDE, 86 pays sur les 121 étudiés pratiquaient des lois de succession discriminatoires.
Un autre pays du Maghreb en fait partie : le Maroc. En mai 2017 paraissait un livre intitulé L’Héritage des Femmes. L’ouvrage, écrit par des juristes, sociologues ou théologiens marocains, entendait marquer les principaux acteurs du débat autour de l’héritage afin d’espérer que ce dernier puisse engendrer des réactions, voire des textes de loi.
Au Liban, le même problème se pose. Le 8 mars, des centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Beyrouth afin de demander un renforcement des droits de la femme, dont celui à l’héritage. Si les femmes des communautés non-musulmanes ont obtenu une égalité successorale, il n’en est pas de même pour celles soumises à la loi coranique. L’organisation de défense des droits de l’homme a demandé aux candidats aux législatives du 6 mai prochain de s’engager à prendre des réformes afin d’améliorer les droits de la femme dans ce pays du Proche-Orient.
Les pressions exercées sur les gouvernements des pays arabes pour obtenir un droit plus paritaire sont nombreuses. Au-delà d’une loi, c’est surtout la fin du patriarcat qui est réclamée et qui, espérons-le, verra prochainement le jour.