L’une des rares femmes marocaines qui ont choisi de faire carrière en géophysique, Asmaa Boujibar a eu une passion pour les planètes récompensée en effectuant un passage réussi à la Nasa, puis en poursuivant son parcours scientifique à la prestigieuse « Carnegie institution for Science » à Washington.
A peine la trentaine, Asmaa compte déjà un parcours de recherche bien garni mais tous ses travaux sont animés par la même passion: percer les mystères de la formation et de l’évolution des planètes.
Ce domaine scientifique est en train de prendre un tournant unique et fascinant, grâce à la rencontre de plusieurs disciplines: géologie, astronomie, biologie et science de l’atmosphère. Ces croisements sont très enrichissants et permettent d’adopter de nouveaux points de vue et perspectives sur différentes questions scientifiques traitées, a-t-elle expliqué dans un entretien accordé à la MAP.
Les travaux de recherche d’Asmaa ont pour but de « comprendre pourquoi la Terre a toutes les conditions favorables au développement de la vie ». Pour ce faire, elle utilise plusieurs méthodes: des expériences en laboratoire et des modèles numériques qui reproduisent les conditions de formation et d’évolution des planètes.
La jeune scientifique applique également les techniques du big data et de machine learning à l’analyse des météorites, pour mieux comprendre comment notre Système Solaire a évolué depuis ses premiers instants après l’effondrement de la nébuleuse solaire, jusqu’à la formation des planètes.
Selon Asmaa, pour qu’il y ait de la vie dans une planète, plusieurs facteurs sont importants. Ils incluent des températures clémentes, la présence d’eau liquide, de sources de chaleur (donc la proximité de l’étoile, le type de celle-ci et la taille de la planète), d’un champ magnétique protégeant des rayonnements cosmiques, de tectonique des plaques et volcans qui favorisent les échanges chimiques avec l’intérieur de la planète et d’une atmosphère qui régule la température à la surface des planètes.
Elle relève que ces questions sont tout de même très discutées en ce moment par la communauté scientifique, qui travaille justement à définir ce qui fait une planète habitable.
La vie en général pourrait avoir des formes très diverses et ne nécessite peut-être pas tous ces paramètres, explique-t-elle, notant que des satellites de glace autour de Jupiter et Saturne abritent possiblement des formes de vie, différentes de celles de la Terre, dans des couches internes proches de la surface, où de l’eau liquide est présente.
La genèse de cette passion pour les planètes, Asmaa l’attribue à une curiosité cultivée dès son enfance, grâce à la lecture de revues de vulgarisation scientifique, tels que « Sciences et avenir » que ses parents achetaient régulièrement.
« Au fur et à mesure que je grandissais, je m’intéressais de plus en plus à la géologie, l’astronomie et l’archéologie, grâce aux documentaires de la chaîne franco-allemande ‘Arte’ », ajoute cette jeune Casablancaise issue d’un mariage mixte – le père marocain (architecte) et la mère tunisienne (artiste) – qui a fait ses études primaires et secondaires au Maroc, avant de s’envoler en France pour continuer ses études supérieures.
Après une licence en sciences de la terre à Rennes en 2008, la jeune scientifique aux cheveux châtains bouclés enchaîne avec un Master sur « les Magmas et les Volcans », de l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand en 2010, puis un doctorat en Pétrologie (science des roches) de la même université en 2014.
Durant ses études de master et de doctorat, ses travaux de recherche allaient l’emmener à la Réunion, une île formée essentiellement par deux méga-volcans, avant de partir aux fins fonds du Japon, en tant que stagiaire à l’Institut de l’étude de l’intérieur de la Terre (ISEI) de l’université Okayama (Misasa).
En 2014, sa passion allait être comblée outre-atlantique, lorsque l’agence spatiale américaine (NASA) l’accepte comme chercheuse post-doctorante au Centre spatial Johnson de Houston, au Texas.
Deux ans plus tard, elle s’engage pour une mission similaire auprès de la Carnegie institution for Science à Washington, une institution plus que centenaire dans laquelle elle exerce actuellement.
A la NASA, la jeune scientifique marocaine a étudié les conditions de formation de la planète Mercure, qui pourrait être l’analogue à ce qu’était la Terre lors des premières étapes de sa formation, avant d’atteindre sa taille actuelle.
« J’ai notamment montré que cette étape a potentiellement joué un rôle important pour préserver de la chaleur dans les couches profondes de la planète », a-t-elle relevé.
Actuellement, à la Carnegie Institution, Asmaa continue ses recherches en étudiant la formation du noyau de Mars, ainsi que des exoplanètes au-delà de notre Système Solaire.
Outre l’aspect de l’existence de la vie en dehors de la Terre, l’étude de la formation des planètes sert à plusieurs choses. Les astéroïdes de notre Système Solaire peuvent constituer une importante source de minerais, qu’il est envisageable d’exploiter dans le futur pour pallier à un épuisement de ressources minières terrestres, explique la géophysicienne marocaine, ajoutant que dans un futur très lointain, éventuellement, le but de l’humanité sera de voyager et s’installer dans d’autres planètes habitables.
Ainsi, comprendre comment se forment les planètes permet de prendre conscience de la difficulté de trouver une planète B similaire à la notre dans un futur proche et que, pour survivre, il est indispensable de préserver au mieux notre Terre.
Forte des opportunités inestimables que lui ont offerte ses expériences de postdoctorant à la NASA et actuellement à la Carnegie Institution for Science pour approfondir ses compétences dans des domaines de recherche très innovants, Asmaa espère trouver un emploi permanent de chercheur ou d’enseignant chercheur dans une université ou centre de recherche qui lui permettra de s’épanouir davantage et d’y apporter sa contribution.