Rose ou bleu ? Plus question de stigmatiser l’enfant. De nouveaux jouets dits non genrés font leur apparition. Une nouvelle mode politiquement correcte de plus ? Rien n’est moins sûr.
Lorsqu’il s’agit d’acheter un jouet à son enfant, le choix est vite fait ou presque. Pour les filles : des dinettes, des poupées, des déguisements de princesse, le tout dégoulinant de rose. Pour les garçons : davantage de bleu et des jouets de bricolage, des super-héros et des jeux de guerre. En effet, depuis la fi n des années 90 et la mondialisation du marché, il semble que les jeux pour enfants soient de plus en plus stéréotypés. À part quelques exceptions, la majorité des autres jouets sont marketés de façon genrée.
Une distinction qui n’a rien de naturel
Ces distinctions ne sont pas anodines, elles forcent à développer des goûts différents, féminins ou masculins et forgent des dispositions différentes. Elles établissent ainsi une très forte norme de genre pour les filles et garçons : les filles sont invitées à cultiver l’intime et le relationnel, alors que les garçons se voient attribuer la place active dans la société. Ces injonctions à la féminité et à la masculinité, comme le souligne Mona Chollet dans «Beauté fatale», ont pour but que chaque genre se tienne « à sa place », poussant à naturaliser les rapports de domination dès le plus jeune âge. Au Maroc le débat sur les stéréotypes de genre est timide. Ce qui n’est pas le cas ailleurs. Ainsi, le Conseil de l’Europe, dans sa Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2014-21017), définit les stéréotypes de genre comme des «idées préconçues qui assignent arbitrairement aux femmes et aux hommes des rôles déterminés et bornés par leur sexe. Les stéréotypes de genre peuvent limiter le développement des talents et capacités naturels des filles et des garçons comme des femmes et des hommes, ainsi que leurs expériences vécues en milieu scolaire et leurs chances dans la vie».
Sensibiliser ses enfants
Une chose est sûre : les stéréotypes de genre mènent à des inégalités de traitement. En matière d’emploi et de salaire, les inégalités profitent clairement aux hommes. Pour ces derniers, davantage de pression repose sur leurs épaules au travail et les discriminations sont par ailleurs, plus insidieuses. Ce sont eux qui connaissent le plus haut taux de suicide. Ils éprouvent en effet plus de difficultés à exprimer leurs émotions. Selon Elizabeth Sweet, professeure à l’Université de Californie à Davis, les études scientifiques montrent que « les jouets sexués façonnent les préférences et les styles de jeu des enfants. Ces jouets limitent les compétences acquises par le jeu, ils peuvent empêcher les enfants de développer tous leurs centres d’intérêts, leurs préférences et leurs talents.» Proposer aux filles de s’intéresser à des « trucs de garçons », c’est leur offrir l’accès à certaines professions cataloguées comme « masculines » et leur permettre de vivre leurs rêves sans les limiter à des rôles maternisant ou bienveillant ou à des considérations physiques. Offrir aux garçons des jouets dits « de filles », c’est leur montrer qu’un père aussi, peut être disponible et dévoué, qu’il peut faire le ménage et s’occuper des enfants. Que les pères ont le choix et le droit d’être des papas investis et bienveillants. Ils ne doivent pas se limiter à ramener de l’argent 3 1 2 et endosser le rôle de « chef de famille ». Acheter des cadeaux non genrés, c’est avant tout ne pas réduire le champ des possibles de l’enfant. À quoi bon le priver de cette liberté de choisir le jouet qui fera son bonheur ? Cela aura d’importantes conséquences sur la construction de son identité et le développement de l’image de soi.
Par Myriam Mourad
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