« La grâce royale a corrigé un procès injuste », a déclaré la journaliste marocaine Hajar Raissouni, libérée mercredi après avoir été emprisonnée pour « avortement illégal » et « sexe hors mariage ».
La décision du roi de gracier la jeune reporter de 28 ans, son fiancé et l’équipe médicale accusée de l’avoir aidée à avorter a été rendue publique mercredi après-midi, suscitant des flots de réactions positives sur les réseaux sociaux, au Maroc et à l’étranger.
Son arrestation, fin août, suivie fin septembre par sa condamnation avait suscité une vague d’indignation et un débat virulent sur l’état des libertés individuelles au Maroc.
Comme après sa condamnation le 30 septembre, la journaliste du quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum a adressé un signe de la victoire à sa sortie de la prison d’El Arjat, dans les environs de Rabat, a constaté un photographe de l’AFP sur place.
Son fiancé, un universitaire et son gynécologue ont été libérés en même temps qu’elle, quelques heures après la grâce royale.
La justice avait condamné le jeune couple à un an de prison. Le médecin, un praticien reconnu qui avait autrefois été décoré par le roi, a pris deux ans ferme, avec douze et huit mois de prison avec sursis pour un anesthésiste octogénaire et une secrétaire médicale.
La grâce a été motivée par « la compassion » et le « souci » du roi Mohammed VI de « préserver l’avenir des deux fiancés qui comptaient fonder une famille conformément aux préceptes religieux et à la loi, malgré l’erreur qu’ils auraient commise », a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué.
Le souverain a pris sa décision « sans entrer dans le débat souverain que les citoyens marocains mènent sur l’évolution de leur société et dans lequel se sont invités, de façon regrettable, certains étrangers, intellectuels, médias et ONG », a précisé une source gouvernementale à l’AFP.
« La lutte continue »
La nouvelle de la libération d’Hajar Raissouni s’est propagée sur les réseaux sociaux alors que le mot d’ordre #freehajar était devenu viral depuis son arrestation.
« Enfin une décision sage et joyeuse », a écrit sur Twitter Younes Maskine, le directeur de publication du journal Akhbar Al-Yaoum. « La lutte continue contre les lois draconiennes et sexistes », a lancé la militante féministe Betty Lachgar.
Depuis son arrestation, Hajar Raissouni dénonce un procès « politique ». Elle dit depuis le début avoir été traitée pour une hémorragie interne, ce que son gynécologue a confirmé devant la justice. Le jeune couple assurait aussi s’être fiancé dans un cadre religieux, dans l’attente d’un mariage prévu mi-septembre -ensuite contrecarré par leur arrestation.
« Je suis innocente….J’ai subi une grande injustice et terrible agression », a répété la reporter à l’AFP après sa libération.
Mais en même temps, elle trouve « sain et utile » le débat soulevé par son arrestation et espère que « son cas servira de locomotive » pour dépénaliser l’avortement, les relations hors mariage, de l’homosexualité et la rupture du jeun en public, actuellement passible de prison dans le code pénal marocain.
« J’ai toujours défendu le respect des libertés individuelles, surtout que les affaires liées à ces libertés peuvent être instrumentalisées contre des personnes publiques ou des défenseurs des droits humains », a-t-elle souligné.
« Hors-la-loi »
Un collectif auteur d’un manifeste de « hors-la-loi » signé par plus de 10.000 personnes a demandé cette semaine au parquet marocain de suspendre l’application de « lois liberticides » punissant de prison le sexe hors-mariage, l’adultère et l’avortement.
Démarche sans précédent au Maroc, les signataires du manifeste proclament avoir déjà violé les lois « obsolètes » de leur pays sur les moeurs et l’avortement.
Alors que le Parlement discute un projet de réforme du code pénal, plusieurs ONG de défense des droits humains ont appelé les législateurs à assouplir le code pénal en phase avec l’évolution de la société.
Le texte en cours de débat ne change rien sur les « crimes » visés, à part un léger assouplissement pour l’avortement en cas de viol, d’inceste et de malformation du foetus, selon les informations concordantes obtenues par l’AFP auprès de différentes sources judiciaires et parlementaires.
En 2018, la justice marocaine a poursuivi 14.503 personnes pour débauche, 3.048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortements, selon les chiffres officiels.
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