Certains ont la phobie des araignées ou des serpents, d’autres ont une peur irraisonnée de leur propre corps. Scrutant la moindre faille, ils ont une vision déformée et obsessionnelle de leur physique. Résultat : ils perdent confance en eux, se détestent et ne supportent pas le regard des autres. Si vous faites une fxation maladive sur votre apparence, vous êtes probablement victime d’une vraie maladie : la dysmorphophobie. Ou quand tout se passe dans la tête…
Une phobie pas comme les autres
Derrière ce mot aux sonorités barbares, se cache une pathologie courante mais peu connue qui se défnit par la conviction d’être laid et déformé. Malgré toutes les stratégies déployées, on reste focalisé sur ces imperfections qui nous pourrissent la vie. Qu’elles soient réelles ou imaginaires. De ce fait, notre image est complètement dégradée et nos complexes sont démesurés. Révélatrice d’un syndrome dépressif, la dysmorphophobie s’apparente souvent à l’anorexie. Quel que soit son poids, l’anorexique est toujours persuadé qu’il est trop gros. Mais si c’est psychologique, la souffrance est bien réelle. Pour l’atténuer, on tente le tout pour le tout. Rituels compulsifs, médicaments, chirurgie esthétique… Et parfois, lorsque l’obsession prend le dessus, certaines personnes vont même jusqu’au suicide.
La peur de soi
Quand je me regarde dans le miroir, je ne vois qu’une personne laide à faire peur. Beaucoup de gens me disent que je suis belle mais je ne les crois pas. Ils ne voient pas ce que je vois…», raconte Leïla. Ce qui lui fait peur et ce qu’elle n’accepte pas, c’est son propre corps. Bien qu’elle soit normalement constituée, elle reste convaincue d’être monstrueuse. Certes, personne n’est parfait, nous avons tous quelque chose de disgracieux en nous. De vilains bourrelets, un nez trop gros, des seins riquiqui… Mais il y a une grande différence entre un complexe banal et la dysmorphophobie. Cette dernière résulte du sentiment profond d’être la risée de tous à cause de cette laideur imaginaire. Si bien que la honte et l’angoisse sont tellement exacerbées qu’elles fnissent par déclencher un véritable handicap social.
Qui est touché ?
Cette maladie touche autant les hommes que les femmes, surtout les jeunes et les célibataires. D’après certaines études américaines, une personne sur 50 souffre de dysmorphophobie. Elle est d’ailleurs souvent associée à d’autres troubles comme la dépression, l’anxiété, les TOC ou encore l’agoraphobie. Généralement, les femmes vont se focaliser sur les parties pileuses, l’aspect cutané, les seins, la taille, le nez ou encore le visage. Chez les hommes, la fxation se fera sur la taille de leur sexe ou sur leur musculature. Et on ne cessera de trouver une parade pour camoufer ces «disgrâces» : vêtements, maquillage, rituels, postures…
Les répercussions?
Comment être aimé des autres si on ne s’aime pas soi- même ? La phobie sociale est inévitable : la personne va préférer s’isoler plutôt que d’affronter le monde extérieur. Résultat : une dépression chronique est souvent la conséquence d’un tel mal-être. Ponctuée de problèmes sérieux comme l’alcoolisme, l’anorexie ou la boulimie, les insomnies, la prise d’anxiolytiques, l’automutilation… Sans parler de nombreux échecs professionnels et sentimentaux. Le détail physique deviendra l’argument pour toute rupture ou défaite.
Ça se soigne docteur?
Diagnostiquée à temps, cette maladie peut se soigner. Contrairement aux idées reçues, la chirurgie esthétique est loin d’être le remède miracle : ce n’est pas entre les mains d’un chirurgien que le problème s’effacera. Au pire, on trouvera le résultat encore plus horrible, au mieux, on se focalisera sur une autre partie du corps et cela ne s’arrêtera jamais. Seul le psychologue peut redonner espoir au patient. Encore faut-il convaincre le malade de faire sa thérapie, car pour lui le problème est bien réel et non imaginaire ! Une fois cette étape passée, selon le cas de chacun, plusieurs thérapies comportementales et cognitives sont conseillées. La sophrologie facilite également la guérison. Dans le cadre d’un suivi médical, certains antidépresseurs peuvent être prescrits. Et au bout de quelques mois, les défauts imaginaires s’envoleront…
3 Questions à Amal Chabach, Psychologue
Plurielle: D’où vient cette phobie?
Amal: Nous vivons dans une société qui prône haut et fort les apparences : la jeunesse, la beauté, la richesse, le pouvoir… Si nous soufrons d’un manque de confance en nous, une estime de soi ébranlée, une peur du regard et du jugement de l’autre, nous serions fragiles psychologiquement et serions toujours en quête d’une perfection « imaginaire » qui n’existe nulle part, sauf dans un esprit torturé, sous tension, éternellement insatisfait et envahi par une énorme angoisse de ne pas être aimé pour ce qu’il est.
Plurielle: Quelle est la diférence entre un simple complexe et soufrir de dysmorphobie ?
Amal: Un complexe, comme son nom l’indique, est une sensation et/ou un vécu d’infériorité par rapport à notre propre attente ou à une comparaison « aux autres », n’acceptant pas nos diférences naturelles, et sous estimant ce que nous sommes. La dysmorphobie est une pathologie obsessionnelle, où la personne n’arrête pas d’avoir des pensées négatives, destructrices, « se mutile » consciemment car quand elle se regarde dans un miroir, elle voit » un monstre », un être humain « diforme » et non pas une créature humaine divine. Une non acceptation totale et violente de tout son corps ou d’une partie de son corps, la pousse jour et nuit, à la changer, l’abolir ou à la cacher. Une soufrance profonde de son être qui continuera à exister même après une chirurgie esthétique.
Plurielle: Comment peut-on se soigner?
Amal: Quand c’est un manque de confance en soi, commencer d’abord par la re-approprier, en s’aimant inconditionnellement et en renforçant notre puissance intérieure. Si c’est une dysmorphobie, une aide psychothérapique est nécessaire, mais le plus difcile est de prendre conscience de ce besoin et d’accepter de faire le premier pas. Une aide du partenaire, de la famille et des amis est souvent nécessaire.