J’ai appris (ne me demandez pas comment) que mon ex avait trouvé une nouvelle compagne. Ma première réaction : après tout ce que l’on a partagé, il remonte déjà à cheval comme si de rien n’était ? Mon objectif : m’y faire et me calmer. Je vous dis comment.
Tout a commencé un soir sur Facebook. Une photo (qui a obtenu dix-sept pouces levés quand même) a retenu mon attention. Rachid posait tranquillement dans un parc au bras d’une poupée brune. Puisqu’ils étaient plutôt collés, un peu serrés, très souriants, j’en ai conclu rapidement qu’il s’agissait de sa nouvelle petite amie. Je me suis demandé un instant si ce n’était pas sa sœur (j’ai zoomé), sa mère (j’ai zoomé), une amie à moi (j’ai eu peur). Mais non. Une toute fraîche et toute nouvelle, peut-être trouvée sur Tinder, Happn, dans la rue ou au boulot, qui avait l’air parfaite et heureuse. J’ai eu envie d’exploser mon ordinateur : comment ce goujat pouvait-il déjà s’éclater avec une autre tandis que moi, j’en étais encore à éplucher mon chagrin ? J’ai mis Goldman (pourquoi je saigne et pas toi ?) pendant des jours, en boucle, en regardant cette photo.
En débarquant dans la vie de Rachid, cette fille était pour moi une voleuse : d’ex, d’histoires, de souvenirs. Je l’ai détestée sans la connaître (question de principe). Et puis j’ai compris que je me gourais sur toute la ligne. En rencontrant Rachid, cette grande brune espère certainement construire une relation au futur, sans nécessairement piétiner le passé de Rachid. D’ailleurs, comment pourrait-elle ? Les souvenirs de Rachid lui appartiennent. Ce que nous avons vécu a existé, et même en possession d’une gomme magique, elle ne peut pas effacer notre histoire et tout ce que nous avons partagé. C’est apaisant de comprendre qu’une relation n’en efface pas une autre, et que Rachid respecte toujours notre passé, parce que ça fait partie de lui et de ce qu’il devient aussi. Je mérite bien de me dire que je compte, du moins que j’ai compté. Ce n’était pas pour du beurre.
Et puis nous avons tous un passé et un jour, je serai » la nouvelle « , je serai à la place de cette fille. Oui, j’ai pris conscience que moi aussi je serai un jour cette grande brune parfaite qui foutra les nerfs à une ex (bon, ça demanderait quelques rectifications physiques). Nous avons tous un passé amoureux alors forcément, je prendrai cette place. Et que me dirai-je à ce moment-là que je peux déjà me dire aujourd’hui ? Que c’est la vie. Qu’on fait des rencontres, qu’on se cherche, qu’on tombe plusieurs fois amoureux, qu’on se construit ici ou là, qu’on multiplie les expériences jusqu’au jour où on se pose enfin pour un voyage plus durable. Je ne voudrais pas qu’une ex me déteste, d’autant plus si leur histoire est terminée, que les choses sont claires. Chacun a droit de chercher son bonheur : je cherche le mien, alors Rachid a le droit de l’avoir trouvé là où notre relation ramait.
Si ça s’est terminé avec Rachid, c’est qu’on avait fait le tour. On le sait tous les deux, on en a parlé, ça ne collait plus et on ne parvenait plus à réparer. En le voyant avec cette fille, j’ai eu soudainement le sentiment qu’il me manquait plus que jamais, que j’étais la femme de sa vie et qu’il y avait erreur dans la soupe, que j’allais mourir et ne jamais me remettre. Mais tout ça, c’était ce que pensait mon ego. Mon besoin d’exister, d’être toujours là, d’être l’unique, d’être son amour. Au fond, c’est une certitude, notre histoire n’a plus lieu d’être alors pourquoi m’acharner à souffrir en lui imposant la même chose ? Il a le droit de vivre sa vie, et mon ego peut s’apaiser. Car comme je l’ai déjà compris, j’ai compté pour Rachid. Et c’est beau, tout ça, non ? C’est suffisamment beau pour avancer, pour garder de tendres souvenirs de nous, en me faisant à l’idée que j’ai juste besoin de me sentir importante. Mais je l’ai été et je le resterai. Parce que Rachid était là, investi, quand on était amoureux. Et comme a dit ma mère, très justement (et je vous laisse méditer) : « S’il est parti pour la femme de sa vie, il a peut-être eu raison non ? » Oui c’est vrai tiens, mon ego n’est personne pour décider à la place de Rachid. Il ne va quand même pas finir vieux garçon pour mes beaux (très beaux) yeux alors que notre histoire ne fonctionnait pas.
Cette phrase m’a aidée à me canaliser et à ne plus gaspiller mon énergie. Car j’en ai dépensé beaucoup : à écouter Goldman, pleurer, relater, montrer cette saleté de photos à mes copines en demandant : « Elle est mieux que moi ? » J’ai eu du mal à travailler, je me suis dévalorisée, j’ai fouillé les réseaux sociaux à la recherche de nouveaux clichés destructeurs… Ma vie ne tournait qu’autour de ça tandis que j’aurais pu faire un tas d’autres choses. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui je le fais et qu’après tout, il est normal d’accuser le coup quelques jours. L’essentiel est d’accepter son chagrin pour l’épuiser, puis de se relever. Se recentrer. Moi aussi, je vais rencontrer quelqu’un et puis j’ai des projets, je veux écrire, décorer mon appartement, aller à six expos et mater dix séries. Toutes ces petites choses qui me font du bien et redorent mon moral doivent être l’objet de mes préoccupations. Parce que je le vaux bien.