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Melania Trump et la mode, une affaire d’État

Le 6 septembre dernier, le Spring Studios à New York accueille un défilé tout particulier. Réunissant, entre le podium et le public, les pointures de la mode américaine comme Diane von Furstenberg, Michael Kors, Tory Burch ou Jason Wu, l’événement n’a rien de la futilité que l’on attribue souvent à l’industrie. Si tout le gratin s’est réuni ce jour à l’invitation d’Anna Wintour, c’est pour lever des fonds pour la campagne de la candidate démocrate Hillary Clinton. Les têtes couronnées de la fashion américaine ont, pour la plupart, répondu présente pour participer à ce dernier effort, après avoir formulé leur soutien de différentes manières toute la campagne durant. Ligne de t-shirts partisans « Make History », reportage dans Vogue, exhortation à aller voter, les différents acteurs de la mode ont choisi leur camp et le crient haut et fort une dernière fois lors de la fête « Historique ». Deux mois plus tard, c’est la douche froide.

 
 
 
 

Porter le deuil

Donald Trump gagne l’élection du 8 novembre et s’impose comme le prochain président des États-Unis. Les derniers posts aux couleurs du parti démocrate laissent place au silence sur les réseaux sociaux de ces soutiens de style. La mode observe un tout autre genre de figure féminine triompher sur le podium : Melania Trump, future première dame. Portant le deuil de sa candidate avec dignité et discrétion, l’industrie fait profil bas. Jusqu’au 17 novembre. la Toile découvre alors une lettre ouverte de Sophie Theallet, créatrice connue pour avoir habillé Michele Obama, qui manifeste son boycott pur et simple de Mme Trump. Affirmant bannir la discrimination, valoriser le respect et les libertés individuelles (à l’opposé des dérapages grinçants de Donald Trump), la designer déclare ne vouloir s’associer en aucun cas avec la First Lady. Et encourage ses camarades à faire de même.  Elle sera rejointe par les fervents supporteurs d’Hillary Clinton comme Marc Jacobs qui déclare ne pas avoir lu la lettre ouverte mais « préfère mettre son énergie au service de ceux qui seront blessés par Donald Trump et ses supporteurs » que d’habiller la première dame. Le duo de Kenzo, Joseph Altuzarra ou encore Tom Ford se positionnent également de ce côté.

Une éthique chic ?

Enjointe à réagir par Sophie Theallet, la mode brise le silence. Le premier à s’opposer est le célèbre Tommy Hilfiger, avec un argument pragmatique : « Je pense que c’est une belle femme qui mettrait en valeur les créations de n’importe quel designer ». Dès lors les termes du débat sont posés : doit-on injecter une morale dans sa mode ou simplement considérer le beau (et le commercial) ? Affirmant à WWD « Je serais honoré d’être considéré pour habiller une première dame », Thom Browne invoque le statut de First Lady qui doit être considéré avec respect, une opinion partagée par Diane Von Furstenberg. De plus, menant un parcours parallèle à son mari certes, mais dissocié de celui-ci, une première dame a le droit d’être une personne à part entière au-delà d’une « épouse de ». De ce fait, son image peut être associée dans le futur à des causes idéologiquement en accord avec les valeurs de certaines maisons, loin des frasques de campagne du futur président pointées du doigt par la mode. Ce refus total de coopérer de la part de plusieurs créateurs semble un peu radical pour certains, voire absurde, comme le souligne la créatrice Cynthia Rowley qui tweete « [Melania Trump] peut très bien acheter ce qu’elle veut […] mettre en place une dynamique d’exclusion nourrit l’exacte mentalité qui nous empêche d’avancer de manière positive ».

Le nœud du problème

Melania Trump, ancien mannequin est, de fait, un modèle avantageux, qui peut peut-être même être, qui sait, dissocié des actes et paroles de son époux. Alors que la mode se fend d’une conscience éthique, un troisième facteur, celui-là plus sous-jacent, entre en compte. L’image globale de la future première dame dérange, et pas seulement pour son mari. Stéréotype de la femme trophée, photos nues, Melania Trump a du mal à échapper aux clichés sexistes. En témoigne son premier buzz vestimentaire lié à un fameux col lavallière porté lors d’un meeting. En effet, la pièce est désignée en anglais par les termes « pussy bow » soit littéralement « nœud de chatte », une expression cocasse eu égard à la réputation de la dame et à Donald Trump qui se ventait en 2005 d’ »attraper les femmes par la chatte ». Formidable vitrine ou mauvaise publicité ? La maison Gucci, à l’origine du chemisier, ne s’est pas prononcée. Toujours est-il que l’opportunité commerciale non négligeable que peut représenter un placement produit sur une première dame peut se transformer en mauvais positionnement stratégique dans le cas de Melania Trump. Si les ventes de la pièce portée ne se retrouvent pas boostées, le calcul peut être vite fait.

Un vestiaire bouclé ?

Avant même de se glisser dans les chaussures de première dame des Etats-Unis, le sort mode de Mme Trump semble scellé. Mais doit-on croire à cet augure ? Non, répond Carolina Herrera : « Je pense qu’ils y viendront parce que c’est la mode. Ils habilleront tous Melania Trump. Elle représente les Etats-Unis. » déclare-t-elle à Business of Fashion. Enjeux de visibilité mais aussi stratégique, il se pourrait que la garde-robe de la First Lady suscite moins de dédain à l’avenir. D’autant que Ivanka, la fille de Donald Trump, semble convoiter ce rôle de représentation, ce qui pourrait modifier le débat ou du moins son objet. De plus, les fougueux anti-Trump n’ont plus tellement envie de s’opposer à celui qui est désormais président, comme a pu en témoigner Anna Wintour récemment. La papesse de la mode, surprise en train de critiquer l’utilité de la Fondation Trump lors d’un voyage en train, a présenté de plates excuses publiques auprès du Sunday Mirror. Une attitude bientôt contagieuse ? Réponse dans les mois à venir. 

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