Ils sont douze musiciens, que des hommes. Ils ne se prennent pas au sérieux et se fichent des qu’en dira-t-on. Ils s’amusent, prennent du plaisir mais veulent surtout faire passer un message fort en rendant hommage aux Chikhates, ces chanteuses populaires mal-aimées.
Les « Kabareh Chikhates » ne sont pas un groupe de musiciens comme les autres. Les douze compères se produisent en effet sur scène habillés comme des femmes et chantant comme des femmes. Le temps d’une soirée ils deviennent alors « transgenres ». Une idée un peu farfelue, complètement absurde pour certains qui trouvent immoral pour un homme de se déguiser en femme.
Mais les douze amis se fichent des stéréotypes et des qu’en dira-t-on. Fiers de leur culture marocaine, ils veulent avant tout rendre hommage aux chanteuses populaires marocaines qui traînent depuis longtemps une mauvaise image.
En effet, ces dernières sont souvent décrites comme des filles de joie. « Elles boivent, elles fument et elles fréquentent les hommes. Dans l’imaginaire marocain, ces femmes ne peuvent être que de petite vertu » explique Ghassan El Hakim, metteur en scène du groupe au journal Jeune Afrique. Pourtant, c’est une toute autre facette de leur personnalité que souhaitent mettre en avant les « Kabareh Chikhates ».
Ils veulent en effet redonner leur crédibilité à ses femmes « qui ont chanté l’amour et la résistance au protectorat français. Elles étaient des femmes de pouvoir, respectées dans leurs tribus, des poétesses de la résistance et des amours perdus, des guerrières imbattables » décrit Ghassan El Hakim.
Les musiciens reprennent alors tous les attributs de ces femmes : ils s’habillent en caftans, se maquillent, se peignent des tatouages sur le visage, portent des perruques et se déhanchent sur scène en entonnant la « Aita » – poèmes que chantaient les chikhates- exactement comme le faisaient ces créatures plantureuses d’antan.
Pour l’instant, ces geishas marocaines des temps modernes se produisent deux fois par mois sur la scène mythique du Vertigo à Casablanca. L’ambiance y est survoltée et ces chants venus d’ailleurs vous prennent littéralement aux tripes. Un bel hommage pour ces femmes qui ont marqué l’histoire et la culture marocaine.
