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La chronique de Majda: Saad Lamjarred et la culture du viol

Annoncée en grandes pompes, comme si de rien n’était, la dernière chanson de notre présumé violeur international a réalisé des millions de vues en plus d’une couverture médiatique sans commune mesure, me laissant, ainsi que grand nombre de mes compatriotes avisés, un goût amer de déjà-vu et le sentiment que la banalisation d’actes criminels aussi graves est devenue coutumière depuis que cette scandaleuse affaire a éclaté.

 
Mais que voulez-vous ? Dans un pays où la culture du viol est bien enracinée, je ne le dirai jamais assez, il n’est pas étonnant qu’un gars, accusé de viol avec violences aggravées, trouve tout à fait normal voire légitime de sortir un deuxième clip (bracelet électronique à sa cheville bien enflée) aux paroles assez révélatrices de ce que certains médias, personnalités publiques et fans l’ont autorisé – applaudissements et encouragements en guise d’indéfectible appui – d’être.

 

 

 

 

En plus de sa débordante et routinière misogynie, il a trouvé de bon goût de chanter des sous-entendus où sa présumée victime est indirectement visée tout en gratifiant les auditeurs d’un « Bad boy » assumé et d’un bras d’honneur à peine dissimulé au montage. Et de conclure cette « œuvre » d’un message de remerciements à « Sa Majesté le Roi nasarahou llah » (j’en ai la larme à l’œil), à Pierre Paul Jacques et à ses fans fidèles qu’il invite à continuer dans leur piètre lancée de pourrir tous ceux qui s’opposent à sa grandeur.

 

 

Édifiant en somme mais « normal ». Qu’attendre de la médiocrité si ce n’est la réciproque ?

 

 

Mais ce qui est encore plus inquiétant, parce que oui c’est inquiétant, c’est que Saad Lamjarred ne bénéficie aucunement de la présomption d’innocence tant prônée par ses soutiens. Non. Saad Lamjarred est traité en innocent.

 

 

 

Par quelques tours de passe-passe flagrants et particulièrement ridicules, il a illico presto quitté le banc des accusés pour s’installer confortablement – sourire en coin – dans celui de la victime transformée à son tour en bourreau. C’est à en perdre son latin. Un inversement de rôles qui lui procure ce sentiment de force jusqu’à le persuader que ce qu’il a (aurait ?) fait n’est pas si grave dans l’absolu. Il est ce félin qui retombe toujours sur ses pattes quelles que soient les circonstances de sa chute.

 

 
Lamjarred, malgré ses antécédents officiels et officieux, jouit de l’amour, celui-là même qu’on qualifie d’aveugle, de ses suiveurs dépourvus de jugeote, qui clament son innocence intrinsèque sans demander de comptes à leur idole qui a pourtant cumulé beaucoup trop d’accusations pour qu’elles soient toutes mensongères. Il a beaucoup trop cumulé pour continuer à se complaire dans son je-m’en-foutisme sur-joué.
« Lam3allem » aujourd’hui ne cherche même pas à s’expliquer clairement ni à prouver son « innocence » puisque les autres s’en chargent pour lui. Ces autres, ce sont ses amis, pour la plupart personnalités publiques suivies par des centaines de milliers de jeunes, qui usent et abusent d’explications et de théories farfelues pour laver l’honneur de leur ami.

 

 

 

Ces personnalités publiques qui tombent dans l’insulte de tous ceux qui remettent en question l’innocence de ce présumé multirécidiviste et qui continuent à banaliser consciencieusement un acte criminel en le faisant passer pour un complot international.

 
Ces autres, ce sont aussi certains (beaucoup de) médias qui, pour préserver le peu qui reste de l’image de ce chanteur, se sont attelés à la tâche de salir sa présumée victime. Je me souviens particulièrement d’un article, d’un canard électronique à succès, où des photos dénudées de la supposée victime ont été offertes aux lecteurs en guise de présentation.

 

 

 

Une manière détournée de lui imputer la faute de ce qu’il lui serait arrivé en la faisant passer pour une fille facile. Oui, parce qu’ici, quand tu te dénudes, tu mérites tous les sévices. CQFD. Leur stratégie fut d’ailleurs très réussie puisque cette jeune fille, de dix-neuf ans, a subi les pires intimidations et autres menaces de mort sur les réseaux sociaux. Je profite de cette chronique d’ailleurs pour tirer mon chapeau à la journaliste à l’origine de cette daube.

 

 
Ces autres, ce sont aussi ses parents, qui ont trouvé tout à fait normal de se pavaner aux bras de leur fils à sa sortie provisoire de prison, en riant aux éclats sur les rythmes d’un de ses succès dont le titre est très révélateur de ce qu’il pense de son inviolable personne « ana machi sahel » (sans blague ?).

 

 

Quel lugubre spectacle ! Alcool, drogues, accusations de viol et aucun des deux n’a eu la présence d’esprit, la maturité, de dire que c’est une mauvaise idée de s’afficher ainsi et de narguer ceux qui, au final, aimeraient juste qu’il paye sa note à la société et qu’il se soigne, peut-être, et c’est urgent, de ses innombrables addictions.

 

 
Ces autres, ce sont ses fans, son armée, qui usent et abusent à leur tour des réseaux sociaux pour vomir leur haine (en particulier des appareils génitaux de nos mères, allez savoir pourquoi) sur tous ceux qui refusent que cet énergumène soit traité en « pauvre victime de son fulgurant succès ». Ces mêmes fans qu’il remercie souvent parce qu’ils font le sale boulot à sa place. Mais ne dit-on pas qu’on a le public qu’on mérite ? En tout cas, Lamjarred mérite amplement tous ceux qui l’appuient parce qu’au final, ils se valent, tous.

 

 

 

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