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Interview: Ayoub Qanir ou le pouvoir de la mémoire

C’est l’histoire d’un film sombre, bien ficelé, avec une belle intrigue, de belles images, le tout servi par de belles interprétations d’acteurs de grand calibre. Un court métrage qui a du fond et de la consistance, avec une histoire originale sur le pouvoir de la mémoire et la possibilité de hacker le cerveau tel un ordinateur. Intrigues, silences, malaises parfois que le réalisateur Ayoub Qanir utilise afin de tenir ses spectateurs en haleine.  Ainsi, le film raconte l’histoire de Marcus Green qui se réveille dans une salle d’interrogatoire d’Interpol et se rend compte que sa mémoire a été « hackée », ses souvenirs remplacés et son identité volée, voire perdue…En tant qu’ingénieur d’une grande multinationale, il doit découvrir à tout prix qui est entré dans son cerveau et dans son système nerveux. Cette quête d’identité sur fond de questions existentielles sur le temps et l’espace le mènera à des réponses qu’il n’avait jamais envisagé auparavant.

Maria: Un thriller psychologique, quels en sont les éléments clés selon vous ?

Ayoub: L’élément central de tout film qui se respecte c’est l’histoire, son originalité et comment elle est devoilée. C’est le centre, le point de départ et le point d’arrivée de toute fiction qui se respecte. Dans le thriller psychologique, que j’aime également surnommé scientifique, l’élément majeur est l’intrigue et le sujet sur lequel tourne l’histoire. J’ai choisi de parler de la mémoire et de créer une intrigue autour du pouvoir de l’identité et de la possibilité de pénétrer cette dernière comme si elle était un simple disque-dur que l’on pourrait manipuler.  Dans ce cas là , le rythme de l’intrigue se doit d’être soutenu mais tout sauf linéaire car il faut tenir le spectateur en haleine et qu’il ne soit jamais déçu par la résolution. La dimension psychologique des personnages est d’une extrême importance, le malaise est présent par les voix, les intonations et surtout les silences. L ‘intrigue se doit donc d’être orignal mais crédible, elle doit faire ressortir un sentiment d’urgence.  Un bon thriller psychologique, selon moi, doit laisser des traces emotionelles, il doit donner assez de réponses mais savoir laisser des questions en suspens…

Maria: Quelle est votre démarche cinématographique pour justement retranscrire toute la dimension psychologique ?

Ayoub: J’écris et je prépare beaucoup en amont. Je me renseigne et recherche énormément. Je suis un passionné du détail, je prépare beaucoup ! (Rires). Je suis du genre studieux à retranscrire et à penser toutes les scènes, minute par minute, avec telle technique, telle lumière, tel cadrage pour chaque plan que je propose et sur le tournage il y a bien sur la place aux propositions des acteurs. Mais je visualise beaucoup en amont, c’est vrai.  Je travaille beaucoup sur les silences, les malaises, les expressions des acteurs. J’aime mes personnages, je les met en avant,  j’aime les gros plans.

Maria: Parlez-nous du casting… du choix des acteurs, est-ce de nouvelles rencontres où l’envie de travailler avec des acteurs que vous connaissiez déjà ?

Ayoub: Le choix des acteurs est primordial. J’aime les belles personnalités, qui crèvent l’écran, qui n’ont pas besoin de textes pour exister, qui ont du charisme même en restant muet. Ce n’est pas pour rien qu’ on a tourné le film à Londres et que la majorité des acteurs sont anglais. Il y a chez les anglais un côté shakespearien impressionnant, ils peuvent tout jouer. J’ai longtemps cherché les bons profils lors de casting interminables et il y a d’autres acteurs que je suis allé voir directement car je savais qu’il s’agissait des bons profils pour le film. Chaque personnage est différent. J’ai souvent un acteur en tête, quand ce n’est pas le cas, je fais tout pour le trouver…

Maria: La mémoire ou la perte de mémoire semble être le fil conducteur de votre intrigue, pourquoi ?

Ayoub: Le pouvoir de la mémoire m’a toujours fasciné. Le cerveau humain est une telle énigme que j’avais envie d’explorer ce terrain encore inconnu. Pour moi, la mémoire, c’est là où l’on se trouve et se retrouve un certain “collage” d’une vie vécue ou bien imaginée qui fait en sorte que l’on réduit notre identité. La mémoire est un univers en elle seule. Et l’être humain commence à peine à la découvrir et à en dévoiler les recoins les plus obscurs.

Maria: Quel message souhaitez-vous passer à travers ce thriller : l’importance justement du vécu, de l’histoire et de l’histoire personnelle de chaque individu ?

Ayoub: Les films les plus intéressants sont ceux qui défient leur audience, qui proposent des variables sans expliquer leurs connexions. Je n’aime pas les films où l’on nourrit son public à la petite cuillère. Je préfère les films courageux qui n’expliquent pas tout, qui proposent des idées complexes, profondes, et qui posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. C’est ce que j’ai essayé de faire. Pour moi la plus grande réussite c’est que le public sorte en se posant des questions, en débattant sur mon film.

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